La chef crie Theresa Spence poursuit sa grève de la faim et continue de réclamer une rencontre avec le premier ministre Stephen Harper, contre qui elle a déjà bataillé il y a un peu plus d'un an, quand le gouvernement conservateur a mis son conseil de bande sous tutelle. Des appuis de taille se manifestent de plus en plus, mais jusqu'où tout cela ira-t-il?

L'ex-chef conservateur Joe Clark s'est montré solidaire de Theresa Spence, de même que les libéraux Justin Trudeau et Bob Rae.

Mais maintenant que la période des Fêtes tire à sa fin, Mme Spence continuera-t-elle à avoir la visibilité qui lui est si cruellement nécessaire pour arriver à ses fins?

La question est posée par François-Pierre Gingras, professeur de science politique retraité de l'Université d'Ottawa. «Les médias n'ont pas beaucoup de nouvelles à se mettre sous la dent ces jours-ci, mais bientôt, quand l'actualité reprendra, qui se souciera encore du sort de Mme Spence?»

Pour qu'une grève de la faim donne des résultats, il faut avoir l'opinion publique et quelques grands noms de son côté. Le danger, c'est que, pour gagner cette opinion publique, «on cherche souvent à dramatiser la situation et à se rendre jusqu'à l'hospitalisation».

«Quiconque entreprend une grève de la faim doit être prêt à perdre la face, poursuit M. Gingras. En même temps, dans un monde civilisé, il est toujours préférable d'éviter l'humiliation à quelqu'un. En ce sens, on espérerait que Stephen Harper fasse un geste.»

Or, non seulement «M. Harper peut être très têtu», dit encore M. Gingras, mais d'un strict point de vue politique, sans doute se dit-il aussi «qu'il lui faut éviter de désavouer les ministres responsables des dossiers en cause». S'il avait accepté trop vite de rencontrer Mme Spence, cela aurait pu être considéré comme un désaveu de ses ministres.

À ce propos, des députés conservateurs autochtones ont suggéré à Mme Spence le compromis de rencontrer plutôt le ministre des Affaires autochtones, ce qu'elle a refusé.

Selon l'éthicien Daniel Weinstock, professeur de droit et de philosophie à l'Université McGill, il ne s'agit pas tant ici de forcer la main à quelqu'un que «de rappeler le Canada à ses obligations. Cette obligation, c'est de négocier avec des peuples autochtones avec lesquels on est lié par traités, traités que le gouvernement conservateur viole allégrement».

De façon plus immédiate, comme le rappelle M. Weinstock, Mme Spence veut, par son geste désespéré, dénoncer la plus récente loi omnibus conservatrice, dite «loi mammouth».

Le projet de loi C-45 redéfinit notamment la protection des eaux navigables, qui ne s'applique plus qu'à 97 lacs et 62 rivières. La loi modifie aussi le mode de consultation des communautés lorsque des terres de réserves sont vendues ou louées.

Mme Spence est chef de la Première Nation d'Attawapiskat, une communauté autochtone ontarienne dont les conditions de vie sont si misérables qu'elles ont fait les manchettes il y a un peu plus d'un an. En 2011, Mme Spence avait déjà interpellé le gouvernement Harper à ce sujet.

Le président de l'Union des chefs autochtones de la Colombie-Britannique croit que le mouvement de protestation amérindien «Idle No More» gagnera en importance.

Le chef Stewart Phillip a indiqué qu'il se préparait à une manifestation à l'important poste frontalier Peace Arch, en Colombie-Britannique.

Selon lui, on reverra en 2013 des barrages comme ceux qui ont déjà été érigés en décembre à Sarnia, en Ontario.