Le premier ministre Stephen Harper affirme que c'est son «devoir» de protéger la langue française au pays. Il s'engage par conséquent à s'assurer que les principaux agents du Parlement soient bilingues dès leur entrée en fonction.

Toutefois, il ne croit pas que cette logique doive s'appliquer à tous les juges nommés à la Cour suprême du Canada. Il n'a donc pas l'intention d'exiger que les juges qui accèdent au plus haut tribunal du pays soient bilingues.

C'est du moins ce que M. Harper a affirmé dans une entrevue de fin d'année accordée hier au réseau TVA. Cette entrevue sera diffusée durant la période des Fêtes.

Faisant son mea-culpa dans l'affaire de la nomination, l'an dernier, de l'unilingue anglophone Michael Ferguson au poste de vérificateur général, M. Harper a soutenu que ce dernier est compétent pour occuper de telles fonctions et qu'il a pris l'engagement d'apprendre le français au moment de sa nomination.

«Je ne veux pas critiquer le vérificateur général. Il est un homme compétent, un fonctionnaire dévoué. Il a pris l'engagement de devenir vraiment bilingue. [...] Mais j'avoue que c'est ma responsabilité d'éviter de telles circonstances à l'avenir», a dit M. Harper à l'animateur Pierre Bruneau.

«J'espère que les francophones et les Québécois ne doutent pas de mon engagement envers la langue française et nos deux langues nationales. C'est un engagement de notre parti depuis longtemps. Et comme je l'ai dit à plusieurs reprises, l'origine de l'État canadien a commencé avec l'arrivée de Champlain à Québec. Nous avons cet héritage et c'est mon devoir de respecter et de protéger cet héritage», a-t-il ajouté.

C'est d'ailleurs pourquoi son gouvernement a décidé d'appuyer le projet de loi du Nouveau Parti démocratique qui oblige 10 agents du Parlement, dont le vérificateur général, à être bilingues dès leur entrée en fonction.

Différent à la Cour suprême

Mais M. Harper ne croit pas que les mêmes exigences linguistiques doivent s'appliquer à tous les juges de la Cour suprême du Canada. «C'est une situation différente. Je pense que quelqu'un qui est à la tête d'une organisation dans notre système doit être bilingue. Mais ce n'est pas le cas pour tous les membres d'une institution. Par exemple, le premier ministre [du Canada] doit être bilingue. Est-ce que chaque ministre du cabinet doit être bilingue? Je pense que c'est trop. Est-ce que le juge en chef de la Cour suprême doit être bilingue? Absolument. Mais pour chaque juge? Je ne pense pas que ce soit nécessaire», a-t-il dit.

Plus tard durant l'entrevue, M. Harper a soutenu qu'il est l'un des premiers ministres à avoir accordé une place importante au fait français. «Franchement, je pense que j'ai donné plus de place au français que n'importe quel premier ministre dans l'histoire de ce pays», a-t-il affirmé.

Durant l'entrevue, le premier ministre a aussi:

> Défendu la garantie de prêt de quelque 6 milliards de dollars que son gouvernement a accordée à Terre-Neuve-et-Labrador pour le projet de développement hydroélectrique de Muskrat Falls. «L'objectif de cet appui est d'encourager la sécurité énergétique et de donner la possibilité de réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre dans cette région. Si le Québec ou n'importe quelle autre région propose de tels projets qui peuvent donner une sécurité énergétique, qui peuvent réduire les gaz à effet de serre, le gouvernement fédéral est prêt à donner une aide similaire.»

> Réitéré son intention de collaborer avec le gouvernement Marois sur les questions économiques. «Nous sommes encore dans une période d'incertitude. Depuis quatre ans maintenant, il y a une incertitude économique mondiale sans précédent. [...] Je pense que c'est clair que la population ne veut pas des vieilles chicanes constitutionnelles. Les gens ont des besoins économiques importants. On doit se concentrer sur cela.»

> Dit comprendre la volonté du gouvernement Marois de protéger la langue française en renforçant la loi 101. «Je comprends la peur des Québécois sur le statut de leur langue dans un continent dominé par l'anglais. Je pense que la langue française est dans une position très forte au Québec, mais je comprends les inquiétudes et je comprends les raisons pour une telle loi.»