Justin Trudeau persiste et signe: le registre des armes d'épaule a été un «échec». Mais s'il avait de nouveau à se prononcer sur son abolition à la Chambre des communes, il voterait contre une fois de plus.

Devant les nombreuses réactions qu'ont suscitées ses propos, le candidat à la direction du Parti libéral du Canada a été forcé de clarifier sa position sur le registre des armes à feu. «Je l'aurais laissé en place, mais l'échec d'une politique publique est évident puisqu'il n'existe plus», a expliqué Justin Trudeau.

Ce lundi après-midi, dans un centre commercial de Saint-Jean-sur-Richelieu, Justin Trudeau a déclaré que les armes à feu sont des «outils importants» pour nombre de Canadiens. Par exemple, a-t-il illustré, la perception des Canadiens du Grand Nord sur cette question n'est pas la même que celle des Québécois. «On est dans un pays trop vaste, trop sauvage pour bien des gens, a indiqué M. Trudeau. Ce n'est pas tout le monde qui a la même perspective sur ces instruments, qui sont, pour certains, une arme violente et, pour d'autres, un outil nécessaire.»

Justin Trudeau assure qu'il ne s'oppose pas à l'idée de ressusciter le registre, contrairement à ce qu'il avait déclaré la semaine dernière en Ontario, mais il a l'intention, d'ici aux prochaines élections fédérales, de sonder les citoyens de toutes les provinces pour parvenir à un consensus.

Il appuie toutefois les efforts du gouvernement québécois, qui souhaite conserver les données du défunt registre, aboli par les conservateurs en avril dernier. «C'est une très bonne idée, a-t-il dit. Peut être qu'une des pistes des solutions, c'est justement de permettre aux provinces d'établir (leurs) solutions.»

Propos critiqués



Justin Trudeau s'est attiré les foudres non seulement de ses adversaires, mais aussi celles de l'ancien ministre de la Justice dans le gouvernement libéral de Jean Chrétien, Martin Cauchon.

Joint par téléphone à Vancouver ce lundi midi, M. Cauchon a soutenu que tous les candidats qui briguent la direction du Parti libéral doivent avoir «la colonne vertébrale» de défendre les valeurs fondamentales du parti. L'une de ces valeurs, selon lui, est la réglementation de l'utilisation des armes à feu au pays.

«La course à la direction du Parti libéral représente une occasion exceptionnelle de consulter la population canadienne, de débattre avec les membres du parti partout au Canada. Cela fait partie d'un processus de renouvellement. Pour le Canada, un Parti libéral en santé est fondamental», a dit M. Cauchon.

«Cela dit, je ne pense pas que l'on doive débattre des positions du parti en mettant de côté nos valeurs fondamentales. Le Parti libéral s'est toujours efforcé d'être le reflet des valeurs canadiennes aux quatre coins du pays. Le registre des armes à feu a été un accouchement plutôt long, douloureux. Mais une fois qu'on s'était donné le registre, on aurait dû le garder», a-t-il ajouté.

Les adversaires de Justin Trudeau l'ont accusé de tenir deux discours sur l'utilité du registre des armes d'épaule, aboli dans la controverse par le gouvernement Harper au printemps.

Vendredi, de passage à Hawkesbury, dans l'Est ontarien, M. Trudeau, favori dans la course à la direction du Parti libéral, a déclaré que le registre des armes d'épaule, tel qu'il a été conçu, était un échec. Pourtant, il a voté contre le projet de loi du gouvernement Harper destiné à l'abolir, au printemps.

«Le registre des armes d'épaule tel qu'il était fut un échec et je n'ai pas l'intention de le ressusciter», a notamment affirmé M. Trudeau dans la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell, qui a basculé dans le camp des conservateurs en 2006 notamment à cause de l'impopularité du registre des armes d'épaule auprès des agriculteurs.

«Je n'ai pas l'impression qu'il y a une contradiction entre le fait de garder nos villes sécuritaires tout en permettant cette facette importante de l'identité canadienne qu'est la possession d'une arme à feu», avait ajouté Justin Trudeau.

Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a affirmé sur son compte Twitter que le jeune député libéral dit une chose en milieu urbain et son contraire lorsqu'il fait campagne en milieu rural. «Si Justin Trudeau voulait mettre fin au registre des armes d'épaule, il aurait pu travailler avec nous pendant plusieurs années pour y arriver. Il dit une chose au Canada rural et une autre chose à la Chambre (des communes)», a dit le ministre.

Selon le leader parlementaire du NPD, Nathan Cullen, cette volte-face de M. Trudeau, en pleine course à la direction, est spectaculaire. «J'étais au Québec en fin de semaine et on se demandait lequel des deux Trudeau nous voyons maintenant. Nous voyons qu'il change de position en plein milieu d'une course à la direction, et M. Trudeau a des explications à donner», a dit M. Cullen.