Le ministre des Finances, Jim Flaherty, pourrait provoquer une révolte dans le caucus conservateur s'il propose de nouvelles dépenses pour stimuler la croissance de l'économie canadienne.

Des sources conservatrices ont indiqué à La Presse qu'il n'y a pas d'intérêt au sein du caucus conservateur pour un deuxième plan visant à stimuler l'économie canadienne si le pays devait être frappé par une autre récession au cours des prochains mois.

Jim Flaherty a mentionné la semaine dernière qu'il est disposé à prendre de nouvelles mesures pour contrer les effets d'une récession si le bras de fer à venir entre l'administration de Barack Obama et la Chambre des représentants entraîne une crise budgétaire prolongée.

Le président américain Barack Obama et la Chambre des représentants, dominée par les républicains, doivent s'entendre avant la fin de l'année sur le relèvement du plafond de la dette et sur d'autres mesures budgétaires, notamment le prolongement des baisses d'impôts accordées par l'ancien président républicain George W. Bush.

À défaut d'une entente, des compressions de l'ordre de 600 milliards de dollars ainsi que des hausses d'impôts pour l'ensemble des contribuables entreront en vigueur le 1er janvier. Selon des économistes et le directeur parlementaire du budget du Congrès, ces mesures réduiraient la croissance de l'économie américaine de 4% et plongeraient les États-Unis dans une nouvelle récession - entraînant aussi le Canada.

Faire le «nécessaire»

Interrogé à ce sujet la semaine dernière, le ministre Flaherty a déclaré: «Si la situation de l'économie mondiale devait se détériorer de manière importante, nous allons évidemment faire ce qui est nécessaire pour protéger nos emplois, notre économie et les familles au Canada. Nous allons agir d'une manière pragmatique, comme nous l'avons fait avec succès récemment.»

Mais l'idée de présenter un autre programme de relance économique ne plaît guère au caucus conservateur.

«Le caucus conservateur, en très grande majorité, s'opposerait à un tel programme. Ce qui fait consensus, c'est qu'il faut éliminer le déficit avant les prochaines élections de 2015. Il nous reste donc trois ans pour y arriver et un nouveau programme de relance nous éloignerait considérablement de cet objectif», a soutenu un député conservateur, qui s'est exprimé sous le couvert de l'anonymat.

Des promesses à tenir

«Il faut se présenter devant les gens aux prochaines élections avec un budget équilibré. Nous n'avons pas le choix. Cela fait depuis 2008 que nous avons un déficit. Notre crédibilité est en jeu», a ajouté un autre député conservateur de l'Ontario, qui a aussi requis l'anonymat.

Ces députés ont rappelé que plusieurs promesses faites par les conservateurs durant la dernière campagne électorale sont conditionnelles à l'élimination du déficit - notamment le fractionnement du revenu pour un couple qui a une enfant de moins de 18 ans ou l'augmentation de la limite de la contribution annuelle à un CELI de 5000$ à 10 000$. Or, le gouvernement Harper serait vulnérable s'il se présentait devant l'électorat sans avoir été en mesure de respecter bon nombre de ses promesses parce qu'il aura été incapable d'éliminer le déficit.

Dans la foulée de la crise économique de 2008, le gouvernement Harper, qui était minoritaire à l'époque, avait proposé un programme de relance de 40 milliards de dollars échelonné sur deux ans. Il a par la suite enregistré des déficits de

5,75 milliards en 2008-2009 de 55,6 milliards en 2009-2010 (un record) et de 33,3 milliards en 2010-2011. En 2011-2012, le ministre Flaherty prévoyait un déficit de 24,9 milliards, mais il a raté sa cible de 1,3 milliard de dollars (le déficit a finalement atteint 26,2 milliards).

«On a été incapables de respecter notre objectif au dernier exercice financier. Je ne vois pas comment on pourrait se lancer dans de nouvelles dépenses», a dit un député ontarien.

M. Flaherty, qui doit faire une mise à jour de la situation économique d'ici quelques jours, s'attend à ce que ce boulet financier s'élève à 21,1 milliards de dollars en 2012-2013. Mais il pourrait de nouveau rater son objectif compte tenu du ralentissement de l'économie canadienne au cours des derniers mois.

Dans son dernier budget, déposé en mars, M. Flaherty prévoyait des déficits de 10,2 milliards en 2013-2014 et de 1,3 milliard en 2014-2015, avant de rétablir l'équilibre budgétaire en 2015-2016 avec un premier surplus de 3,1 milliards.