Réforme du régime de pensions des députés, modification de lois touchant aux évaluations environnementales, abolition de l'organisme responsable d'établir une caisse autonome de l'assurance-emploi: le gouvernement Harper a remis hier en déposant un projet de loi omnibus pour mettre en oeuvre un train de mesures découlant du dernier budget, dont certaines controversées.

Cette manoeuvre a de nouveau soulevé l'ire des partis de l'opposition, qui ont dénoncé l'attitude «antidémocratique» des conservateurs et réclamé que ce deuxième projet de loi «mammouth» en moins de six mois soit divisé en différentes sections pour leur permettre de mieux l'étudier et en évaluer les conséquences.

Le premier ministre Stephen Harper et son ministre des Finances Jim Flaherty ont écarté cette demande, en soutenant que le nouveau projet de loi C-45, qui contient près de 450 pages, ne fait que reprendre des mesures déjà annoncées dans le budget déposé en mars à la Chambre des communes.

«On a dans ce projet de loi des mesures qui ont été proposées dans le budget en mars. Elles sont importantes pour l'économie et pour continuer la meilleure performance de l'économie canadienne», a tranché M. Harper.

Pensions des parlementaires

L'une des principales mesures du projet de loi vise à réformer le généreux régime de pensions des parlementaires et celui des fonctionnaires, souvent décriés par les contribuables canadiens. D'ici à 2017, les députés, sénateurs et employés de l'État paieront 50% des cotisations à leur régime de retraite et les contribuables paieront l'autre moitié.

À l'heure actuelle, la contribution des parlementaires n'est que de 14% et celle des fonctionnaires, de 37%. En outre, les députés élus après les prochaines élections prévues en 2015 ne pourront empocher leur pension qu'à partir de 65 ans, comparativement à 55 ans en ce moment.

Selon le président du Conseil du Trésor, Tony Clement, le gouvernement fédéral épargnera 2,6 milliards de dollars sur cinq ans grâce à ces changements. «Pour la première fois dans l'histoire du Canada, les fonctionnaires, les députés et les sénateurs paieront leur juste part des cotisations à leur régime de pensions», a-t-il déclaré.

Le Parti libéral a offert au gouvernement Harper d'adopter en vitesse ces mesures touchant les pensions des parlementaires, pour mieux se concentrer sur les aspects plus controversés du projet de loi C-45. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a pour sa part proposé de créer un comité indépendant sur cette question, afin d'éviter les conflits d'intérêts. Mais les deux offres ont été rejetées.

«D'où vient le mépris du premier ministre pour les institutions parlementaires? Pourquoi ne pas faire les choses dans l'ordre: diviser le projet de loi et nous permettre de l'étudier comme il le faut?», s'est indigné le chef du NPD, Thomas Mulcair, lors de la période de questions.

Exit la caisse de l'assurance-emploi

Les partis de l'opposition ont décrié d'autres changements, dont ceux réduisant le nombre de cours d'eau «navigables», ce qui pourrait diminuer de nouveau les évaluations environnementales.

Toujours sur la question de l'environnement, le NPD a dénoncé la disparition du Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses, organisme administratif presque indépendant dont le mandat prévoit la supervision de produits dangereux utilisés sur les lieux de travail.

Le Bloc québécois et des groupes de défense des chômeurs ont aussi déploré la fermeture de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada, organisme mis sur pied par le gouvernement Harper en 2009 pour gérer une caisse autonome pour le programme et établir les taux de cotisations. «Finalement, l'Office de financement sera resté une coquille vide, a lancé Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses. Et ce que ça veut dire, c'est qu'ils vont avoir les mains libres pour s'approprier les surplus.» Au contraire, a affirmé une porte-parole de la ministre des Ressources humaines, cette suspension n'est que temporaire, jusqu'à ce que la caisse ne soit plus déficitaire.

Autre changement contenu dans le projet de loi: conformément aux recommandations d'un organisme indépendant, en mai, les juges fédéraux verront leur salaire augmenter. Ainsi, la juge en chef du Canada aura une augmentation de près de 25%, de 298 000$ à 370 000$. Elle gagnera plus que le premier ministre, dont le salaire est d'environ 315 000$.

En guise de protestation, au printemps, les partis de l'opposition avaient forcé la tenue d'un marathon de votes pendant près de 24 heures sur le dernier projet de loi omnibus destiné à mettre en oeuvre d'autres éléments du dernier budget. Hier, ils prenaient connaissance du contenu de C-45. On ignore pour l'instant s'ils répéteront la manoeuvre.