La France et le Québec ont une «relation particulière», a affirmé le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, au terme d'une rencontre avec son homologue canadien John Baird, hier. Mais il n'a pas été jusqu'à renouer avec la traditionnelle politique de «non-ingérence, non-indifférence» à l'égard de la question nationale.

MM. Fabius et Baird ont tenu leur première rencontre bilatérale au Quai d'Orsay, hier, quelques jours avant que la première ministre Pauline Marois arrive à son tour à Paris. Comme prévu, ils ont abordé la question québécoise, redevenue un enjeu diplomatique depuis l'élection du Parti québécois le 4 septembre.

«Nous n'avons pas à nous ingérer dans ce qui sont les affaires intérieures du Québec, bien sûr, mais on sait bien qu'il y a une relation particulière, pour des raisons évidentes, entre le Québec et la France», a affirmé M. Fabius au terme de la rencontre.

Questionné de manière directe sur un éventuel retour à la politique de «non-ingérence, non-indifférence», M. Fabius a affirmé: «Pour ce qui concerne les relations avec le Canada, je peux vous rassurer: elles resteront excellentes. Mais le fait qu'elles restent excellentes ne signifie pas que d'autres deviendront mauvaises. Et donc les relations avec le Québec, sur un autre plan, seront également excellentes.»

Le ministre Baird a souligné que le gouvernement Harper a reconnu le Québec comme une nation au sein du Canada. Il a également rappelé des mesures destinées à satisfaire des exigences du Québec, notamment au sujet du déséquilibre fiscal et du respect des compétences provinciales.

«J'ai souligné l'importance pour notre gouvernement, pour le peuple canadien et québécois, que la priorité est la croissance économique et la priorité est la création d'emplois, a-t-il indiqué. Et rien n'a changé avec les élections au Québec.»

Dans les années 70, la France a adopté la politique de «non-ingérence, non-indifférence», qui visait à assurer la neutralité de l'Hexagone devant un éventuel référendum sur l'indépendance tout en assurant une forme de soutien aux Québécois s'ils décidaient de quitter le Canada.

Le président Nicolas Sarkozy a rompu avec cette politique en 2009, en dénonçant ce qu'il qualifiait de «besoin de division» et d'«enfermement sur soi-même» du mouvement souverainiste.

Porte ouverte

François Hollande a été élu président en mai et plusieurs s'attendent à ce qu'il reprenne la position antérieure de la France à l'égard du Québec. C'est ce que s'était engagé à faire son Parti socialiste en 2010.

Or, constate Louise Beaudoin, ancienne ministre péquiste des Relations internationales, les propos de M. Fabius indiquent qu'on n'en est pas encore là.

«Il a tourné autour du pot, a-t-elle résumé. Ce sont des propos que j'appellerais diplomatiques et lénifiants, mais qui ne ferment pas la porte à une réintroduction de la politique traditionnelle de la France.»

Cela dit, si la France vient à changer de cap, il est bien possible que ce soit le président François Hollande en personne qui l'annonce, dit-elle.

Le politologue Stéphane Paquin, professeur à l'École nationale d'administration publique (ENAP), constate un changement dans l'attitude d'Ottawa à l'égard de la relation Québec-France. Selon lui, le gouvernement conservateur semble accepter que la province ait un lien privilégié avec l'Hexagone, ce que n'appréciaient pas toujours les gouvernements précédents.

«La France et le Canada ont des préoccupations internationales comme la Syrie et le Mali, donc ça renforce les liens, observe M. Paquin. Et personne ne semble penser que ça vaut la peine de polluer ces liens avec la question québécoise, qui est une évidence.»

John Baird et Laurent Fabius ont par ailleurs convenu de resserrer leur collaboration devant la crise en Syrie. Ils souhaitent soutenir davantage les «zones libérées» du régime de Bachar al-Assad, qui sont contrôlées par des résistants.