Le premier ministre Stephen Harper propose de nommer le juge Richard Wagner de la Cour d'appel du Québec à la Cour suprême du Canada.

Le juge Wagner devra comparaître devant un comité spécial de la Chambre des communes jeudi afin de répondre aux questions des députés, comme le veut la pratique instaurée par le gouvernement Harper peu de temps après son arrivée au pouvoir.

Mais cette séance spéciale est largement symbolique. On peut donc s'attendre à ce que le juge Wagner remplace la juge Marie Deschamps, qui a pris sa retraite du plus haut tribunal du pays à la mi-août.

D'ici quelques semaines, Stephen Harper aura donc nommé pour la première fois la majorité des juges de la Cour suprême, soit cinq des neuf juges.

«La candidature du juge Richard Wagner a été retenue après une évaluation complète et rigoureuse de ses compétences et de sa recherche de l'excellence dans le domaine judiciaire. Ses collègues au sein de la magistrature et les membres de l'association de son barreau le tiennent en haute estime, et il est en effet un candidat exceptionnel qui possède les aptitudes et les qualifications nécessaires pour bien servir les Canadiens»,  a affirmé le premier ministre Stephen Harper dans un communiqué de presse.

Richard Wagner, 55 ans, a été nommé à la Cour supérieure du Québec en septembre 2004 et à la Cour d'appel en février 2011. Il avait auparavant oeuvré dans les domaines du litige civil et commercial au sein de l'étude Lavery, de Billy, à Montréal. Il a été bâtonnier de Montréal en 2001-2002.

À la Cour d'appel, c'est lui notamment qui a rendu le jugement dans le dossier très médiatisé du juge Jacques Delisle, en juillet. À la Cour supérieure, il avait présidé le procès Norbourg.

Ce prochain juge à la Cour suprême est le fils de Claude Wagner, ministre de la Justice dans un cabinet libéral dans les années 1960 au Québec et député progressiste-conservateur (PPC) à la Chambre des communes dans les années 1970. Il avait été candidat dans la course à la direction du PPC de 1976, mais avait perdu contre le jeune Joe Clark.

Prédictions déroutées

Sa candidature a été examinée à huis clos au cours de l'été par un comité formé de députés de tous les partis fédéraux. La députée du NPD Françoise Boivin, qui siégeait à ce comité, s'est réjouie de la recommandation faite par le premier ministre Harper.

«Il était dans nos trois recommandations», a-t-elle indiqué. Elle l'a décrit comme un juge très bien perçu par ses pairs, poli, patient, avec une approche très pratique et un style d'écriture direct et accessible.

«Certains ne l'avaient peut-être pas vu venir», a-t-elle convenu. Le juge Wagner, en effet, ne se retrouvait pas toujours dans les prédictions faites par les observateurs de la Cour au cours des derniers mois.

Plusieurs s'attendaient aussi à ce que la juge Deschamps soit remplacée par une femme. Mais Mme Boivin a souligné que le premier ministre sera sans doute appelé à nommer deux autres juges du Québec prochainement, quand les juges Louis Lebel et Morris Fish. «Pour tout de suite, je ne suis pas inquiète, a-t-elle confié. Mais à la prochaine nomination (NDLR: du Québec), je vais peut-être commencer à l'être un petit peu.»

Mais dans l'ensemble, a conclu la députée, «c'est une nomination impeccable. Cet homme-là va remplir à mon avis un besoin de la Cour suprême, c'est-à-dire d'avoir des gens qui sont des juges de procès».

L'avocat montréalais Jean-Claude Hébert a quant à lui indiqué qu'il connaissait peu le juge Wagner, mais qu'il avait été impressionné par son travail dans le dossier Norbourg. Quant aux étiquettes politiques parfois accolées aux magistrats, «il n'y a pas une tonne de jugements qui nous permettent de le cataloguer, a-t-il indiqué. On va découvrir sa pensée juridique au fur et à mesure qu'il va signer des jugements d'un bord ou de l'autre.»

Le professeur de droit de l'Université de Montréal Stéphane Beaulac a noté qu'après cinq nominations, on pouvait commencer à dénoter une certaine tendance dans le choix du premier ministre Harper. Selon lui, le côté peut-être plus discret du juge Wagner ressemble à celui des quatre autres magistrats nommés par les conservateurs avant lui. «M. Wagner semble être un magistrat qui ne fait pas de vagues et qui s'inscrit dans cette volonté du gouvernement d'avoir une cour qui n'est pas interventionniste», a-t-il noté.