Le premier ministre canadien Stephen Harper est à New York, jeudi, pour accepter un prix international louant ses qualités d'homme d'État, mais il ne profitera pas de son voyage pour s'adresser à l'Assemblée générale de l'ONU, qui se tient à quelques rues de là.

Que l'on applaudisse ou que l'on dénonce la décision du premier ministre canadien de bouder les Nations unies, les observateurs internationaux s'entendent sur une chose: le silence de Stephen Harper en dit beaucoup.

Selon Fen Hampson, directeur du programme de sécurité internationale au Centre de la gouvernance internationale en innovation de Waterloo, en Ontario, plusieurs partisans des Nations unies considèrent la décision du premier ministre comme une rebuffade.

En agissant de la sorte, Stephen Harper laisse entendre qu'il a mieux à faire que de prononcer un discours devant une assemblée générale dont la moitié des sièges sont vides, estime M. Hampson.

Ce qui est clair, toutefois, c'est que le Canada collabore avec les Nations unies sur certains dossiers, mais n'utilise pas le forum international comme une occasion d'entamer des discussions.

L'ancien ambassadeur canadien aux États-Unis sous le premier ministre conservateur Brian Mulroney, Stephen Lewis, abonde dans le même sens. Selon lui, le Canada commet une «erreur significative en termes de multilatéralisme» qui ne passe pas inaperçue aux yeux des autres nations.

Le prix remis à M. Harper, ajoute sèchement M. Lewis, «s'il était pris au sérieux», serait une occasion parfaite pour mettre en valeur la politique étrangère du Canada.

«Nous venons de rompre les relations diplomatiques avec l'Iran, alors pourquoi ne pas profiter de cette tribune et expliquer les raisons de ce geste à la planète entière», ajoute l'ancien chef du Nouveau Parti démocratique ontarien.

M. Lewis fait valoir que Stephen Harper pourrait profiter de la tribune pour parler de la crise syrienne ou encore prévenir la communauté internationale qu'elle risque de ne pas atteindre ses objectifs en ce qui a trait aux programmes globaux de santé maternelle et infantile - un dossier que le premier ministre avait fait sien lors du Sommet du G8 en juin 2010.

«Il y a plusieurs sujets que M. Harper pourrait aborder de façon légitime, a-t-il dit. Je crois qu'il s'agit d'une occasion manquée.»

L'un des anciens diplomates canadiens les plus respectés, Yves Fortier, a adopté un point de vue similaire, parlant d'un geste «malheureux».

«Si Barack Obama, en pleine campagne présidentielle, peut trouver le temps de s'exprimer à l'ONU, j'aurais cru que notre premier ministre aurait lui aussi pu prendre le temps nécessaire», a-t-il dit.

C'est le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, qui a été dépêché à New York pour s'adresser lundi à l'Assemblée générale au nom du gouvernement canadien. Il s'agit là d'une pratique de plus en plus habituelle, que Stephen Harper a de nouveau dû défendre cette semaine à la Chambre des communes.

Attaqué par les partis d'opposition, il ne s'est pas laissé démonter et a affirmé que «cela n'a jamais été le cas que le premier ministre prenne la parole chaque année à l'Assemblée générale des Nations unies».

Brian Mulroney s'était adressé à l'Assemblée générale de l'ONU à trois reprises durant ses huit années en fonction. Jean Chrétien a pris la parole cinq fois aux Nations unies en dix années de pouvoir, et Paul Martin à deux reprises durant son mandat de deux ans.