Un tel comportement aurait semblé impossible il y a à peine un an et demi. Et pourtant... Des députés du Parti conservateur continuent à se prononcer ouvertement contre des décisions de leur gouvernement. Au grand dam de certains de leurs collègues.

Le député ontarien Stephen Woodworth a prononcé hier un vibrant plaidoyer pour sa motion 312, qui vise à rouvrir le débat sur le statut juridique du foetus au Canada. Sa motion doit passer aux voix le mercredi 26 et, de l'avis même du principal intéressé, les chances pour qu'elles soient adoptées sont minces.

Néanmoins, la position que M. Woodworth a réitérée, en ce jour de rentrée parlementaire, illustre une réalité qui pourrait devenir inconfortable pour le premier ministre Harper: depuis qu'il dirige un gouvernement majoritaire, ses députés se gênent de moins en moins pour exprimer le fond de leur pensée.

Projet de loi «préoccupant»

Les exemples sont nombreux et certains sont plus subtils que d'autres. Dans une lettre obtenue par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le député de la Colombie-Britannique Bob Zimmer a écrit au ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, en mars, pour lui faire part de ses «préoccupations» au sujet du projet de loi C-30. Cette pièce législative controversée permettrait aux forces de l'ordre d'obtenir sans mandat les renseignements personnels de citoyens. Plusieurs groupes, dont certains de droite, ont reproché à Ottawa de chercher à violer la vie privée des citoyens.

«Sans mandat, il y a un potentiel pour que ces enquêteurs aient accès aux informations privées de millions de Canadiens innocents, sans qu'ils soient mis au courant, a écrit M. Zimmer. J'espère que lorsque C-30 retournera à la Chambre des communes à la suite de son étude en comité, la formulation de l'article 34 équilibrera mieux le besoin de fournir aux policiers les outils pour leur permettre de faire leur travail et le droit des Canadiens à la vie privée.»

Les députés Brent Rathgeber et David Wilks ainsi que le ministre Maxime Bernier ont eux aussi pris leurs distances par rapport aux actions ou aux décisions du gouvernement dans les derniers mois. Maxime Bernier, notamment, s'était prononcé pour le projet de loi du NPD qui vise à obliger les agents du Parlement (comme le vérificateur général) à être bilingues au moment de leur nomination.

»Nous n'entendons pas rouvrir ce débat»

Au sujet du député Woodworth, hier, un attaché de presse du premier ministre Harper a déclaré: «Cela ne change pas la position du premier ministre et du gouvernement. Nous n'entendons pas rouvrir ce débat.»

La situation pourrait être différente pour d'autres sujets: le projet de loi C-30 n'était manifestement pas sur la liste des priorités énoncées par le leader du gouvernement à la Chambre des communes, hier, en vue de la session parlementaire qui s'amorce.

Quant aux autres collègues de M. Woodworth, certains ont dit espérer que sa sortie ne détourne pas le gouvernement et le premier ministre de leur véritable priorité en cette rentrée parlementaire: l'économie. «Ce n'est pas souhaitable de s'enfarger dans des dossiers de la sorte», a déclaré le ministre de l'Industrie, Christian Paradis.