Le gouvernement Harper interjette appel du jugement de la Cour supérieure qui donne raison au Québec dans sa croisade visant à conserver les données du registre des armes d'épaule.

Le ministre d'État aux petites entreprises, Maxime Bernier, a confirmé lundi, au premier jour des travaux de la Chambre des communes après une pause estivale de deux mois et demi, qu'Ottawa demande à la Cour d'appel du Québec d'invalider la décision du juge Marc-André Blanchard.

Cette annonce n'a pas surpris les partis de l'opposition, qui ont tout de même dénoncé l'entêtement du gouvernement Harper à vouloir détruire les données colligées au Québec malgré la volonté de la province de créer son propre registre.

M. Bernier a profité d'une question aux Communes de la députée bloquiste Maria Mourani pour confirmer les intentions du gouvernement Harper.

«Je suis fier de vous annoncer aujourd'hui, au nom de mon collègue, le ministre de la Sécurité publique [Vic Toews], que le gouvernement du Canada va en appeler de cette décision», a indiqué M. Bernier, qui a été chaudement applaudi par ses collègues conservateurs.

Dans une déclaration envoyée aux médias par courriel deux heures plus tard, M. Toews a expliqué qu'il souhaite faire respecter «la volonté du Parlement».

«Nous avons été déçus par le jugement de la Cour supérieure du Québec. Aujourd'hui, notre gouvernement a annoncé qu'il portera cette décision en appel. La volonté du Parlement et des Canadiens est claire. Nous ne voulons pas d'un inutile et inefficace registre des armes d'épaule, quelle qu'en soit la forme. Le NPD a toujours déclaré que s'il le pouvait, il tenterait d'utiliser ces données pour cibler les honnêtes chasseurs, agriculteurs et tireurs sportifs des régions du Québec. Notre gouvernement conservateur défendra toujours les droits des propriétaires d'armes à feu qui respectent les lois», a dit le ministre.

«Une belle occasion manquée», dit Drainville

Fraîchement assermentés, les députés péquistes ont dénoncé cette décision qui, selon eux, gaspille de l'argent public et contrevient au fédéralisme de coopération. «Le gouvernement fédéral aurait pu poser un geste de bonne volonté envers le nouveau gouvernement du Québec et dire: on va régler ce dossier avec vous, on va le régler politiquement, et non par la voie des tribunaux. C'est une belle occasion manquée de la part du gouvernement Harper que de dire au nouveau gouvernement du Québec: on sait à quel point les Québécois y tiennent, il y a un très fort consensus sur cette question au Québec», a réagi Bernard Drainville.

Il juge toutefois qu'il est encore «trop tôt» pour conclure que le gouvernement Harper souhaite en découdre avec le gouvernement péquiste dès qu'il en aura l'occasion. «C'est très dommage et très désolant de voir qu'avec notre propre argent, le gouvernement fédéral fait la lutte au gouvernement du Québec pour nous empêcher de récupérer des données mises en place avec de l'argent public. Les conservateurs prétendent être de bons gestionnaires des deniers publics, mais dans ce dossier, ce sont de fieffés dépensiers», a ajouté son collègue Stéphane Bergeron.

Le chef du Bloc québécois Daniel Paillé a renchéri: «Mme Marois a dit souhaiter avoir de bonnes relations avec le gouvernement du Canada et voilà, vlan, dans la face, première journée, il nous dit, non, on ne respecte pas ça. C'est un affront.»

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a pour sa part dit que la décision du gouvernement Harper «n'est pas la fin du monde», mais son parti appuie la démarche du Québec d'autant que le registre est «un élément de protection du public».

Contraire au principe du fédéralisme coopératif

Dans un jugement de 42 pages rendu la semaine dernière, le juge Marc-André Blanchard a déclaré inopérant l'article 29 de la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule, adoptée au printemps, qui ordonne la destruction de toutes les données colligées au fil du temps dans le registre.

Le juge affirmait que la volonté du gouvernement Harper d'empêcher Québec d'obtenir les données en question était contraire au principe du fédéralisme coopératif. Il demandait aussi à Ottawa de transmettre ces données d'ici 30 jours au gouvernement du Québec et de continuer d'enregistrer les données habituelles sur les armes à feu sans restriction jusqu'à ce que ce transfert ait lieu.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a entrepris de détruire les données du registre des armes d'épaule dans la foulée de l'adoption du projet de loi C-19, au printemps. Cependant, elle a mis de côté les données en provenance du Québec en attendant l'issue de la bataille que mène le gouvernement du Québec devant les tribunaux.

- Avec Tommy Chouinard et Paul Journet