Les gouvernements Charest et Harper ont tous les deux balayé du revers de la main les critiques de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, qui s'est insurgée lundi contre l'adoption par Québec de la loi 78.

Dans un long discours sur l'état des droits de la personne, la haute-commissaire Navi Pillay a consacré un court passage au conflit étudiant qui fait rage au Québec.

«Dans le contexte des manifestations étudiantes, a-t-elle dit, je suis déçue par la nouvelle loi adoptée au Québec qui restreint leur droit à la liberté d'association et à l'assemblée pacifique.»

C'est la deuxième fois que l'ONU montre le Québec du doigt pour sa loi controversée, adoptée à toute vapeur au plus fort du conflit étudiant. Deux de ses observateurs avaient déjà déploré l'imposition de limites au droit de manifester.

Cette nouvelle critique n'a toutefois pas ébranlé le premier ministre Jean Charest. Il souligne que les lois de Genève, la ville où sont basées plusieurs branches de l'ONU, exigent que les organisateurs de manifestations doivent fournir un itinéraire aux autorités 30 jours avant l'événement. La loi 78 prévoit plutôt un délai de huit heures.

«Donc nous ne sommes pas aussi sévères que l'endroit où se trouvent les Nations Unies, a-t-il dit. Nous sommes plus souples et plus permissifs.»

L'affaire a eu des échos à Ottawa, où le gouvernement Harper a lui aussi critiqué le haut commissaire Pillay.

«Lorsqu'on voit l'ONU sortir avec une déclaration comme ça, c'est un peu préoccupant, a affirmé le lieutenant de Stephen Harper au Québec, Christian Paradis. C'est étrange qu'on ne parle pas, par exemple, de ce qui sévit en Iran, au Bélarus, au Sri Lanka, en Syrie.»

Le ministre Paradis estime que les citoyens qui sont en désaccord avec la loi spéciale ont la possibilité de la contester devant les tribunaux, ce que les associations étudiantes ont déjà fait.

Il se défend de se mêler d'un conflit qui touche les champs de compétence des provinces.

«Ce qu'on appuie, c'est la primauté du droit. Lorsqu'une assemblée démocratiquement élue vote une loi, c'est ça qui doit primer. S'il y a des citoyens qui croient que la loi n'est pas constitutionnelle pour x ou y raison, on croit en nos institutions juridiques, ils peuvent contester cette loi-là.»

Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a pour sa part accusé le haut commissaire de l'ONU de «gaspiller sa crédibilité» en se mêlant du dossier des droits de l'homme au Québec et au Canada.

Nouvelle salve

Ces propos sont la dernière d'une série de critiques formulées par le gouvernement Harper à l'égard de l'ONU depuis quelques mois. Des ministres ont qualifié de «complètement ridicule» le rapport d'un émissaire sur la sécurité alimentaire, le mois dernier. En décembre, Ottawa a accusé un envoyé spécial sur les Premières Nations de «manque de crédibilité» lorsqu'il a dénoncé les conditions de vie dans la réserve d'Attawapiskat, dans le nord de l'Ontario.

Il y a 10 jours, un député conservateur d'arrière-ban, Larry Miller, a carrément demandé au ministre des Affaires étrangères de remettre en question la participation du Canada à l'organisation.

Le Nouveau Parti démocratique estime que cette série de critiques doit cesser.

«Nous sommes sur une trajectoire très dangereuse, a dénoncé son critique en matière d'Affaires étrangères, Paul Dewar. Il faut soutenir l'ONU et, lorsque l'ONU nous critique, il faut répondre de manière responsable. Chaque fois que l'ONU a critiqué le Canada, ils lui ont jeté du venin.»

- Avec La Presse canadienne