L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se range du côté des experts qui estiment que le Canada est atteint du «syndrome hollandais», sans toutefois utiliser le terme.

Dans un rapport publié mercredi, l'OCDE prévient que la poussée des prix des produits de base se traduit par des économies inégales au Canada.

L'organisme international ajoute que le Canada doit faire plus pour développer les secteurs de son économie qui ne sont pas liés aux ressources naturelles, afin de maintenir les hauts niveaux d'emploi et assurer une distribution équitable de la richesse entre toutes les régions.

Des provinces aussi riches en ressources naturelles que l'Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador ont prospéré pendant que d'autres perdaient du terrain, notamment parce que l'explosion des prix des produits de base a renforcé le dollar canadien, ce qui a nui à des secteurs vulnérables au taux de change, comme l'industrie manufacturière et le tourisme.

Un problème similaire s'était produit aux Pays-Bas quand la découverte de pétrole dans la mer du Nord avait provoqué une prospérité dans ce secteur, mais malmené le secteur manufacturier.

Dans le rapport de 128 pages, l'OCDE n'utilise pas le terme «syndrome hollandais», mais on retrace le déclin marqué des activités manufacturières au Canada depuis le début du siècle, et l'envolée toute aussi importante du huard. Pendant la même période, la demande et le prix des produits de base canadiens - surtout le pétrole - ont été propulsés à des niveaux sans précédent.

«Je pense que c'est indéniable, a dit en entrevue un des auteurs du rapport, Peter Jarrett. On ne peut pas expliquer toute l'histoire de l'industrie manufacturière uniquement avec les taux de change - ce serait aller trop loin. Mais ceux qui prétendent que ça n'a pas d'impact ne regardent clairement pas les chiffres.

«En 2011, le secteur manufacturier, fortement axé sur les exportations, ne représentait plus que 12,6 pour cent du total de la valeur ajoutée, comparativement au sommet de 18,6 pour cent atteint en 2000. Sa part du marché de l'emploi a aussi fondu depuis 10 ans, passant de 15,2 à 10,2 pour cent, un peu plus qu'aux États-Unis, note le document. Ces deux phénomènes suivent de près l'évolution du taux de change.»

Cette analyse correspond à celle faite par le leader néo-démocrate Thomas Mulcair, qui a été accusé de monter des régions contre les autres, à des fins politiques.

Le mois dernier, l'Institut Pembina a prévenu que les bénéfices de ce qu'il appelle «la fièvre des sables bitumineux» s'étaient répartis inégalement à travers le pays, ce qui pourrait constituer de mauvaises nouvelles économiques pour l'avenir. Un autre rapport, de l'Institut Macdonald-Laurier celui-là, concluait plutôt que toutes les provinces bénéficient du boom des produits de base.

Enfin, l'Institut de recherche en politiques publiques coupait la poire en deux: le Canada est plutôt atteint du «syndrome hollandais», mais ses conséquences sont moins importantes que ce que l'on pourrait craindre.

Le rapport de l'OCDE ne suggère pas au Canada de ralentir son exploitation des ressources naturelles - surtout des sables bitumineux albertains -, même s'il continue à réclamer une taxe sur le carbone.

L'organisme international demande plutôt au Canada de stimuler l'innovation et d'investir dans la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée. L'OCDE indique que cela se traduirait par une hausse de la productivité, ce qui devrait aussi profiter aux régions qui ne dépendent pas des ressources naturelles.

M. Jarrett a ajouté qu'on pourrait aussi s'attaquer au problème en augmentant les paiements de transfert des régions riches vers les régions moins bien nanties. «C'est une décision politique qui revient aux Canadiens, qui doivent décider quelle disparité régionale ou provinciale dans le revenu par habitant ils sont prêts à accepter avant d'intervenir», a-t-il dit.