Le gouvernement fédéral pourrait annoncer dès cette semaine les détails très attendus de changements controversés au système d'assurance emploi.

Les grandes lignes de ces changements ont été tracées dans le dernier budget et reprises dans son superprojet de loi de mise en oeuvre, C-38. Les partis de l'opposition, des syndicats et des groupes de pression ont déjà exprimé leurs vives inquiétudes à l'égard de ces modifications, et demandé au gouvernement d'en dévoiler les détails le plus rapidement possible. Des gens d'affaires ont eux aussi réclamé des clarifications.

Ces nouvelles règles feront d'ailleurs partie de discussions qui se tiendront ce soir à Montréal, dans le cadre de la consultation publique organisée par le Nouveau Parti démocratique (NPD) au sujet du projet de loi C-38. Ce projet de loi, de plus de 400 pages, touche près de 70 lois canadiennes. Il modifie entre autres la manière d'évaluer les impacts environnementaux de projets au pays.

C-38 laisse également plusieurs questions en suspens, en particulier sur l'assurance emploi.

Le gouvernement, en effet, s'apprête à resserrer les règles qui permettent à un chômeur de continuer à recevoir des prestations pendant qu'il recherche un emploi «convenable». Le projet de loi C-38 abolit les dispositions qui définissent ce qu'est un emploi «non convenable»: c'est-à-dire un emploi qui ne cadre pas avec les occupations ordinaires d'un bénéficiaire ou qui offre une rémunération ou des conditions moins avantageuses que la normale.

Mais on ignore quelles seront les nouvelles règles: un comptable sera-t-il forcé d'accepter un emploi dans la construction? Un actuaire qui perd son travail devra-t-il travailler chez Burger King?

Le gouvernement a indiqué que ces détails seraient présentés dans un règlement à être adopté plus tard.

Le National Post a annoncé hier qu'une annonce pourrait être faite dès cette semaine. Mais une porte-parole de la ministre des Ressources humaines Diane Finley n'a pas voulu le confirmer. «On peut s'attendre à des détails bientôt», a simplement déclaré Alison Queen, sa directrice des communications.

Inquiétudes et contradictions

Dans l'attente, plusieurs autres aspects des changements annoncés ou anticipés continuent à soulever l'inquiétude chez les syndicats, les partis de l'opposition ou d'autres personnes intéressées.

La question géographique, entre autres: on craint qu'Ottawa ne force les travailleurs à déménager pour accepter un emploi ailleurs, s'ils ne peuvent en trouver un dans leur région ou leur province.

Hier, le ministre des Pêches, Keith Ashfield, a affirmé en entrevue à CBC que c'était faux et que les chômeurs n'auraient pas à se déplacer à plus d'une heure de chez eux.

Encore une fois, le bureau de la ministre Diane Finley n'a pas voulu confirmer ce détail, ce qui a poussé le NPD à réagir.

«Chaque jour, un ministre conservateur annonce des changements au programme d'assurance emploi et chaque jour, la ministre des Ressources humaines est obligée de contredire un ministre. Ça sent l'improvisation à plein nez», a dénoncé la députée néo-démocrate Chris Charlton par l'entremise d'un porte-parole.

Au Conseil national des chômeurs, à Montréal, le porte-parole, Pierre Céré, s'est également dit préoccupé des rumeurs touchant les utilisateurs fréquents du système, comme les travailleurs saisonniers. Ces derniers pourraient voir leurs prestations et leur accès au programme diminuer.

«Ça pourrait toucher les gens plus au Québec qu'ailleurs, a dit M. Céré. Vingt-six pour cent des demandes d'assurance emploi au Canada viennent des travailleurs saisonniers. Et le tiers de ces travailleurs saisonniers qui ont fait une demande d'assurance emploi sont québécois», a-t-il noté.

À l'instar de syndicats québécois, qui ont fait une sortie à ce sujet il y a quelques jours, M. Céré s'inquiète aussi de l'abolition de tribunaux spécialisés, que le gouvernement veut remplacer par un «Tribunal de la sécurité sociale».

Le professeur d'économie David Gray, de l'Université d'Ottawa, estime pour sa part que ce seront surtout les travailleurs saisonniers qui seront touchés, «mais que ces changements sont réclamés depuis 30 ans». Quant au reste, dit le professeur, «c'est beaucoup de bruit pour pas grand-chose».