Le gouvernement Harper a trompé les Canadiens dans le dossier de l'achat des F-35, conclut un ancien haut fonctionnaire qui a lui-même  été responsable de ce dossier avant de prendre sa retraite du ministère de la Défense en 2005.

Dans une étude intitulée Canada, Democracy and the F-35, Alan S. Williams attaque sévèrement la gestion du processus par le gouvernement Harper et la position qu'il a adoptée pour défendre son choix de ne pas lancer d'appel d'offres.

«Depuis qu'il a annoncé son intention d'acheter les F-35, le gouvernement a insulté l'intelligence des Canadiens en faisant de la désinformation et en manipulant les faits de manière répétée pour arriver à ses fins», tranche M. Williams dans le document, publié par la section des études en gestion de la Défense de l'Université Queen's, en Ontario.

À titre de sous-ministre adjoint responsable de l'acquisition de matériel pour la Défense nationale, Alan Williams a lui-même signé, en 2002, l'un des protocoles d'entente entre le Canada et ses partenaires internationaux pour participer à la mise au point du nouvel avion de combat.

Mais Ottawa a toujours eu l'intention de profiter des retombées économiques pour son industrie aérospatiale, souligne-t-il.

«Il est évident qu'il n'y avait pas d'intention de signer un contrat de gré à gré jusqu'à tout récemment, sous le gouvernement conservateur. Le gouvernement libéral n'avait pas cette intention», a noté celui qui est devenu très critique du processus depuis 2010.

«Qu'est-il arrivé dans les quelques mois qui ont précédé le 16 juillet 2010 pour que le gouvernement décide de passer outre au processus concurrentiel et de procéder de gré à gré?» demande l'auteur.

Si son étude ne permet pas de répondre directement à cette question, elle s'emploie néanmoins à déconstruire un à un certains des arguments clés du gouvernement Harper, comme les suivants: il y a déjà eu un appel d'offres en 2001, donc inutile d'en faire un autre; le gouvernement ne fait que poursuivre la stratégie mise en oeuvre par les libéraux; le F-35 est le meilleur avion au meilleur prix; un F-35 ne coûte que 75 millions de dollars; le Canada a besoin de s'engager de manière ferme maintenant, faute de quoi son industrie aéronautique ne pourra profiter des retombées économiques.

Selon M. Williams, les bureaucrates ont choisi le F-35 sans faire les études requises et sans définir les besoins au préalable comme on le fait habituellement avant de procéder à un achat de cette envergure. «Le gouvernement a manipulé le processus d'approvisionnement de la Défense pour atteindre ses objectifs», tranche-t-il.

«Le gouvernement n'a pas été honnête avec les Canadiens», conclut M. Williams.

Celui qui dirige aujourd'hui le Williams Group, une firme de consultation en matière d'approvisionnement public, affirme qu'il n'est lié à aucun concurrent du fabricant des F-35, Lockheed Martin, et que son opposition au gouvernement dans ce dossier n'est pas guidée par des intérêts professionnels.

Ses constats s'ajoutent à ceux du vérificateur général, Michael Ferguson, qui a conclu dans un rapport dévoilé il y a quelques semaines que le gouvernement avait grossièrement sous-évalué les coûts liés à l'acquisition des F-35 et qu'il en a fait une présentation trompeuse aux parlementaires et aux Canadiens. Ainsi, de 16 milliards de dollars, ces coûts pourraient atteindre presque le double, soit 25 milliards.

Alan Williams renchérit : compte tenu des nombreux ratés du programme dans les dernières années, il demeure très difficile de calculer avec exactitude quel seront les coûts exacts des appareils lorsque le Canada décidera de commander les siens. Ils pourraient donc être appelé à augmenter encore davantage.

«C'est seulement en mettant sur pied un processus ouvert, juste et transparent que nous saurons si le F-35 est ou non le meilleur avion pour le Canada», soutient M. Williams.

Réaction du gouvernement

Le ministre associé de la Défense nationale, Julian Fantino, a réagi par l'entremise d'un porte-parole. Alan Williams a droit à son opinion, a indiqué Chris McCluskey, mais le rapport du vérificateur général demeure la référence sur cette question et le gouvernement a déjà indiqué qu'il en respecterait les recommandations.  

«Notre gouvernement n'a pas signé de contrat pour l'achat d'avions de remplacement. Nous avons été clairs à l'effet que nous établi un budget et que nous allons le respecter», a écrit le directeur des communications dans un courriel.

Le plan en sept étapes annoncé par Ottawa pour répondre au rapport inclut la création d'un secrétariat des F-35 pour coordonner la transaction et une révision des coûts et opérations par le Secrétariat du Conseil du Trésor. «Avant qu'une décision soit prise pour l'achat d'un avion de remplacement, notre réponse au rapport du vérificateur général sera mise en oeuvre», a ajouté le porte-parole.