Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a déposé une brique de plus de 400 pages aux Communes jeudi pour mettre en oeuvre le budget conservateur, un document tellement volumineux que l'opposition accuse le gouvernement de vouloir ainsi éviter les débats.

L'unique sommaire du document fait pratiquement dix pages. Et ce n'est que le début, puisque le ministre Flaherty promet un deuxième volet au projet de loi.

Certaines sections touchent évidemment directement l'économie : impôts des entreprises, hypothèques, retraites, assurance-emploi.

Pour d'autres sections, le lien est moins évident. On y change le processus d'évaluation environnementale et on tire officiellement un trait sur le Protocole de Kyoto. On y modifie la loi sur les pêches, sur les espèces en péril, sur les télécommunications et sur l'immigration, entre autres choses.

Alors que presque le tiers de tout le document porte sur l'environnement, le comité parlementaire chargé de ce sujet n'aura pourtant pas le droit de parole, signale la chef du Parti vert, Elizabeth May. En effet, seul le comité des finances se penchera en principe sur le document.

«En termes de procédure parlementaire, c'est une stratégie très astucieuse que d'empêcher ces éléments substantiels de législation d'aller devant un comité qui possède les connaissances spécialisées dans ce domaine», a relevé Mme May.

Pour le néo-démocrate Nathan Cullen, le gouvernement répond tout simplement au plus grand rêve des pétrolières, en sachant pourtant que les Canadiens seraient outrés s'ils connaissaient le contenu de ce projet de loi.

«C'est une concentration des pouvoirs dans les mains d'un ministre qui ne sait rien de l'environnement. C'est ridicule, c'est dangereux», a-t-il déploré.

Un attaché de presse du ministre de l'Environnement, Peter Kent, a cependant indiqué par courriel qu'un «sous-comité spécial» sera créé pour étudier les dispositions touchant les évaluations environnementales.

M. Flaherty ne voit rien de mal dans l'épaisseur du document. Le budget était volumineux, a-t-il noté en point de presse, il est donc normal que le projet de loi pour mettre en oeuvre ses dispositions le soit tout autant. Il a insisté sur le fait qu'il présentait ainsi un plan à long terme pour le pays.

«Il s'agit du plus gros budget que j'ai fait. C'est complet, cela regarde vers l'avant. Il s'agit du document principal de notre gouvernement sur ses politiques publiques», a signalé M. Flaherty.

Parmi les points majeurs du projet de loi, on retrouve des changements à :

- La Loi sur l'évaluation environnementale, pour accélérer les processus d'examen;

- La Loi sur les pêches, modifiant quels cours d'eau seront protégés;

- La loi sur les Opérations pétrolières, donnant plus de pouvoirs à l'Office national de l'Énergie;

- La gouvernance de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL);

- La Loi sur les aliments et drogues, pour accélérer l'entrée d'aliments sur le marché;

- La Loi sur la sécurité de la vieillesse, faisant passer à terme l'admissibilité de 65 à 67 ans;

- La Loi sur les télécommunications, changeant les règles pour la propriété étrangère des entreprises canadiennes;

-La loi sur l'assurance-emploi, modifiant entre autres le calcul des prestations;

- La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, permettant d'ignorer certaines demandes.

Pour les libéraux, la tactique des conservateurs est une atteinte à la démocratie puisqu'elle ne permet pas un examen en profondeur de chacune des dispositions du projet de loi.

«C'est terrible. C'est un omnibus qu'il est impossible d'amender, impossible de vraiment discuter, impossible d'aller dans les détails», s'est désolé le chef Bob Rae.

Le bloquiste Jean-François Fortin a comparé le projet de loi à un cheval de Troie. «Alors le principe, c'est qu'on rentre une fois. Une fois que le cheval est rentré, on est capables d'atteindre différents objectifs», a-t-il expliqué.