Les écologistes affirment que la réforme des évaluations environnementales présentée mardi par le gouvernement Harper les empêchera de prendre part à des consultations publiques sur des projets miniers, gaziers ou pétroliers. Car les organismes fédéraux qui organisent ces audiences risquent d'être réservées aux citoyens qui ont un «intérêt direct» dans ces projets.

Tel que La Presse le rapportait ce matin, le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, a annoncé une refonte du processus de consultations environnementales. L'objectif est d'accélérer le développement des mines, des forages gaziers et des pipelines, lesquels devraient générer des investissements de 500 milliards au pays dans la prochaine décennie.

Le projet de loi prévoit que les organismes fédéraux qui organisent les audiences publiques auront le pouvoir «derégler les séances pour que les gens qui ont un intérêt direct aient la possibilité de s'exprimer et de promouvoir leurs préoccupations», a indiqué M. Oliver.

Le gouvernement n'a pas précisé ce que veut dire un «intérêt direct». Les détails se trouveront dans le projet de loi.

Les partis d'opposition et les écologistes accusent le gouvernement Harper de vouloir exclure certains groupes des évaluations environnementales. Le ministre Oliver avait d'ailleurs dénoncé la manière dont les «écologistes radicaux» et les groupes d'intérêt étrangers ralentissent le processus réglementaire.

«Tout cet effort vise à exclure les voix dissidentes, les voix qui affirment des choses que ce gouvernement conservateur n'aime pas entendre», dénonce le directeur du Sierra Club, John Bennett.

Le député libéral David McGuinty estime que le gouvernement Harper « censure » les groupes écologistes.

«On se donne un droit arbitraire de décider qui a un intérêt à se prononcer sur cette question et qui n'en a pas», convient le député néo-démocrate Alexandre Boulerice, qui dénonce la tentative d'«émasculer» la loi de protection de l'environnement.

Une refonte attendue

Lorsque la loi sera adoptée, seuls les projets «majeurs» seront étudiés par les autorités fédérales. La durée des consultations sera plafonnée de 12 à 24 mois selon la nature des projets.

Plus que trois agences fédérales seront impliquées dans le processus d'évaluation. Il y en a actuellement une quarantaine. Les projets de moindre envergure seront référés aux autorités provinciales.

Pour la Chambre du commerce du Canada, la réforme pourrait bien être l'élément le plus significatif du budget fédéral.

«Le danger ici, c'est la mort par délai, affirme son président, Perrin Beatty. Souvent des entreprises ont des propositions valables, elles veulent aller de l'avant, mais elles voient le processus qui peut s'éterniser pour plusieurs années. Certaines vont tout bonnement décider de s'établir dans d'autres pays.»

À ceux qui craignent que la réforme ne balaie sous le tapis les considérations environnementales, M. Beatty souligne que les sociétés minières, pétrolières et gazières ont tout intérêt à ce que le processus réglementaire soit rigoureux. Car les entreprises souhaitent avant tout être acceptées par les communautés où elles s'établissent.

Le ministre Oliver ajoute que la loi introduit des pénalités pouvant grimper jusqu'à 400 000 $ aux entreprises qui contreviennent aux règlements fédéraux.

«Une partie intégrante de cette législation est la protection de l'environnement, a-t-il déclaré. En nous concentrant sur des projets majeurs, nous n'allons pas être distraits par des projets qui n'ont pas vraiment d'impact sur l'environnement. Donc la rigueur de l'évaluation scientifique va rester.»

Les changements s'appliqueront aux consultations publiques qui sont déjà en cours. C'est donc dire que les audiences publiques sur le controversé projet Northern Gateway, en Colombie-Britannique, pourraient être modifiées en cours de route.

Cet oléoduc permettrait d'acheminer du pétrole produit à partir des sables bitumineux albertains jusqu'au port de Kitimat, en Colombie-Britannique, afin de l'expédier vers l'Asie.