La Charte des droits et libertés célèbre aujourd'hui son 30e anniversaire. Son enchâssement dans la Constitution canadienne aura été un moment marquant de l'histoire récente du Canada et contribué à définir l'image du pays dans le monde.

L'ancien premier ministre Jean Chrétien, qui était ministre de la Justice du gouvernement de Pierre Trudeau quand la Constitution a été rapatriée, exprime son attachement profond pour ce document constitutionnel et déplore le fait que cet anniversaire soit passé sous silence par le gouvernement de Stephen Harper.

Le Canada est entré dans la modernité en matière de protection des droits de la personne en adoptant la Charte des droits et libertés le 17 avril 1982. Aujourd'hui, ce document est devenu un outil de référence cité dans plusieurs pays, estime l'ancien premier ministre Jean Chrétien.

Chose certaine, le Canada serait un pays radicalement différent sans cette charte qui garantit à tous les Canadiens des droits fondamentaux comme la liberté d'expression, la liberté de religion, le droit à l'égalité et à la mobilité et des droits linguistiques, selon M. Chrétien.

Les minorités francophones ont pu défendre leur droit à l'éducation dans leur langue devant les tribunaux grâce à la Charte. Plus récemment encore, les couples de même sexe ont pu obtenir le droit légal de se marier en faisant valoir leur droit à l'égalité.

«Les tribunaux sont allés beaucoup plus loin que je n'aurais jamais cru qu'ils pouvaient aller. À ma grande satisfaction», a affirmé lundi l'ancien premier ministre, à la veille du 30e anniversaire de l'adoption de la Charte.

Jean Chrétien était ministre de la Justice dans le gouvernement libéral de Pierre Trudeau lorsque le Canada a finalement pu rapatrier sa constitution de la Grande-Bretagne après des décennies de débats animés. Il a ainsi joué un rôle déterminant dans les négociations qui ont mené au rapatriement de la Constitution et à l'adoption de la Charte des droits et libertés.

«On a profité de l'occasion pour donner une charte des droits et libertés à tous les Canadiens. On a voulu donner des droits aux citoyens pour se protéger contre les gouvernements, et contre tous les gouvernements», a affirmé M. Chrétien au cours d'une entrevue accordée à La Presse.

Assis dans son bureau d'avocats du centre-ville d'Ottawa, M. Chrétien a expliqué que les Canadiens ont raison de chérir la Charte. Plusieurs pays ont décidé d'émuler le Canada, notamment l'Afrique du Sud, Israël, Hong Kong et certains pays de l'Europe de l'Est.

Mieux encore, deux professeurs de droit américains estiment que la Charte canadienne a supplanté la Déclaration des droits des États-Unis (United States Bill of Rights) comme modèle suivi par les autres nations, selon une étude qu'ils publieront en juin dans le New York University Law Review.

«C'est un bon produit pour l'exportation», a dit l'ancien premier ministre dans son langage coloré.

Selon M. Chrétien, si la Charte canadienne est devenue un modèle dans le monde, c'est parce que le gouvernement de l'époque a réussi à atteindre «un équilibre parfait» entre les pouvoirs parlementaires et les pouvoirs juridiques. «L'équilibre, dans l'esprit de bien des gens, est venu de l'inclusion de la clause nonobstant dans la Charte», a-t-il dit, en rappelant au passage qu'il avait dû mener une bataille pour convaincre Pierre Trudeau d'accepter cette clause, une demande des provinces.

«Cela a bien servi le pays et cela a aussi bien servi le droit», a-t-il dit.

Cette disposition dérogatoire valide pour cinq ans a été utilisée par le gouvernement du Québec en 1988 pour maintenir l'intégralité de la loi 101 à la suite d'une décision de la Cour suprême du Canada. Fait à noter, le gouvernement du Québec n'a toujours pas donné son accord à la Loi constitutionnelle de 1982.

En entrevue, M. Chrétien cachait mal sa déception de voir le gouvernement Harper passer sous silence le 30e anniversaire de l'adoption de la Charte, alors qu'il consacre argent et énergie à souligner le 200e anniversaire de la guerre de 1812, «une guerre entre les Anglais et les Américains».

«Que voulez-vous, ils ne le fêtent pas. Cela ne me dérange pas. Mais moi, je le fête!», a dit M. Chrétien, qui participera à un rassemblement libéral, ce soir à Toronto, en compagnie du chef intérimaire Bob Rae.

Les libertés fondamentales

1. la liberté de conscience et de religion

2. la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication

3. la liberté de réunion pacifique

4. la liberté d'association

Photo archives PC

Jean Chrétien, Pierre Elliott Trudeau et Elizabeth II en 1982.