Le gouvernement Harper se montre préoccupé par la manière dont le gouvernement du Québec compte mettre en oeuvre le projet de loi C-10.

Le ministre québécois de la Justice, Jean-Marc Fournier, a annoncé hier matin une série de mesures pour «contrer les effets négatifs» de ce projet, qui a reçu la sanction royale en après-midi.

Ces mesures comprennent de nouvelles directives données aux procureurs de l'État pour interpréter les règles d'une manière qui se veut plus favorable à la prévention du crime et à la réadaptation des criminels.

Selon le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, l'un des porte-parole du gouvernement Harper dans ce dossier, l'annonce d'hier n'apporte «rien de nouveau» et tout semble jusqu'ici être conforme à la loi.

Lors d'un entretien avec La Presse, le sénateur a tout de même fait une mise en garde au ministre Fournier. «Si M. Fournier dit à ses procureurs de ne plus appliquer les peines minimales dans les cas de viols et d'agressions sexuelles sur des enfants, je vais lui dire: il ira s'expliquer aux victimes», a lancé l'ancien président et fondateur de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues.

Quelques mesures

Rien dans l'annonce d'hier n'a signalé une telle volonté du gouvernement Charest. Le ministre de la Justice compte entre autres préciser aux procureurs que leurs décisions doivent être prises en tenant compte de la protection «durable» du public. C-10 a retiré le mot «durable» de la loi. Or, selon M. Fournier, cette notion de durabilité est cruciale pour la réadaptation et la réinsertion sociale. «C'est de la sémantique», a tranché Pierre-Hugues Boisvenu.

Québec compte aussi mettre sur pied un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie, ce qui pourrait offrir une solution de rechange à l'incarcération dans le cas de crimes non violents. Une telle possibilité est prévue par la loi.

Parmi les autres décisions, une directive sera donnée aux procureurs pour qu'ils «assurent un caractère exceptionnel à la mesure de dévoilement de l'identité» des mineurs accusés de certains crimes; et un décret sera adopté pour limiter à 16 ans, et non 14 ans, l'obligation du poursuivant d'informer le tribunal de son intention de ne pas réclamer une peine pour adulte.

Les directives incluront-elles d'autres moyens d'éviter les peines minimales? «Pour le moment, non», a répondu Joanne Marceau, porte-parole du ministère de la Justice.

Pierre-Hugues Boisvenu a néanmoins déploré les approches dans ce dossier du ministre Fournier et du Barreau du Québec qui, selon lui, ignorent les besoins des victimes. «Au lieu de consulter tous les organismes qui supportent les criminels - centres jeunesse, pénitenciers, criminologues - moi, je dis à Fournier: va consulter les organismes de victimes», a-t-il déclaré.

Le controversé projet de loi C-10, qui vise à durcir la justice criminelle, regroupe neuf projets de loi que le gouvernement Harper n'avait pu adopter lorsqu'il était minoritaire. Certaines peines minimales qu'il impose ne font pas l'unanimité. Les provinces dénoncent aussi les coûts supplémentaires que le durcissement des peines pourrait leur imposer. Selon le ministre Fournier, ils pourraient atteindre de 40 à 80 millions par année pour le Québec, sans parler des coûts pour la construction de nouvelles prisons, si nécessaire.