L'ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a puisé dans le budget de fonctionnement de son cabinet à Ottawa pour payer le salaire d'au moins un autre directeur général du parti, a appris La Presse.

Patrick Marais, qui a été directeur général du Bloc québécois de 1998 à 2000, a confirmé hier avoir été rémunéré à même le budget de fonctionnement du cabinet de M. Duceppe, versé par la Chambre des communes.

Enquête en cours

La Presse a révélé samedi que M. Duceppe avait versé un salaire d'environ 100 000$ au directeur général du Bloc québécois, Gilbert Gardner, de 2004 à 2011, en utilisant les fonds provenant de la Chambre pour le fonctionnement de son cabinet. La légalité d'une telle pratique fait actuellement l'objet d'une enquête à la Chambre des communes. Or, il appert qu'elle avait commencé avant 2004.

«Oui, j'étais directeur du Bloc québécois. Oui, comme M. Gardner, j'étais payé par le cabinet du chef du Bloc québécois en respectant les règles de la Chambre des communes qui ont toujours stipulé que le travail partisan faisait partie intégrante du travail de député», a dit M. Marais.

Son successeur, Louis-Phillipe Bourgeois, en poste jusqu'en 2002, a quant à lui indiqué à La Presse qu'il ne se souvenait pas s'il avait été rémunéré par le parti ou par le budget du chef financé par les fonds publics.

M. Marais fait ainsi écho aux affirmations de Gilles Duceppe rapportées dans La Presse de samedi, selon lesquelles une telle pratique était permise par les règlements de la Chambre des communes.

Le Bloc québécois semble toutefois faire exception dans cette interprétation des règlements. Le Parti conservateur, le Parti libéral et le NPD affirment à l'unisson qu'ils paient leur directeur général respectif avec leur propre argent.

Le Devoir a néanmoins avancé hier que M. Duceppe «aurait suivi les règles», en citant une porte-parole de la Chambre des communes et en s'appuyant sur la définition de «fonctions parlementaires» d'un député, contenue dans les règlements des communes. Cette définition comprend en effet un volet partisan.

Or, des membres actuels et anciens du Bureau de régie interne, qui rédige, adopte et applique ces mêmes règlements, rejettent catégoriquement cette interprétation.

Confusion

«Le problème avec l'interprétation que Le Devoir a faite, et peut-être le Bloc aussi, c'est de dire que partisan, c'est la même chose que parti. Ce n'est pas la même chose, pas du tout», a tranché le porte-parole du Bureau de régie interne, le député néo-démocrate Joe Comartin.

Selon M. Comartin, la notion d'activités partisanes dans le règlement a été maintenue afin de donner une certaine marge de manoeuvre aux députés. Mais celle-ci ne va pas jusqu'à payer le salaire du directeur général d'un parti politique.

«La distinction, c'est que si vous avez un employé ou un adjoint dont le gros des responsabilités est vis-à-vis du parti, son salaire doit être payé par le parti. De la même manière, si le gros de ses responsabilités est vis-à-vis d'un député ou le chef d'un parti, le salaire est payé par les fonds du Parlement», a dit M. Comartin, avocat de formation.

Agir autrement ouvrirait la porte au financement de toutes les activités des partis politiques par la Chambre des communes, estime Don Boudria, membre du Bureau de la régie interne de 1994 à 2003. «Jamais personne n'a prétendu cela. Voyons donc! Si quelqu'un l'avait essayé, ça aurait été la risée!», a soutenu M. Boudria.

Patrick Marais a néanmoins affirmé que son travail de directeur général du Bloc comportait un volet parlementaire important, même s'il était responsable de la gestion et de l'organisation du parti.

M. Duceppe et son ancien chef de cabinet, François Leblanc, ont quant à eux soutenu que le Bloc québécois avait agi de manière transparente dans cette affaire et que cette pratique était connue du caucus.

Mais l'ancien whip du Bloc, Michel Guimond, troisième dans la hiérarchie parlementaire du parti, a indiqué qu'il n'était pas au courant, tout comme l'a fait hier Louis Plamondon, ancien président du caucus et l'un des quatre députés qui ont survécu à la débâcle du 2 mai.

Cela dit, Pierre Paquette, ancien leader parlementaire, a affirmé qu'un certain nombre d'employés qui avaient des tâches parlementaires mais qui travaillaient à la permanence du Bloc à Montréal étaient eux aussi payés à même le budget du chef Gilles Duceppe et que le caucus était bel et bien au courant.

Le NPD suit les règles

Dans les rangs du NPD, on affirme respecter les règles des Communes à la lettre. On donne en exemple le cas de Karl Bélanger, attaché de presse de Jack Layton pendant huit ans et d'Alexa McDonough auparavant. Lorsque cette dernière a quitté son poste de chef, M. Bélanger a accepté le même poste pour Jack Layton en 2003. Mais étant donné que M. Layton n'avait pas encore de siège aux Communes, il a pris un congé sans solde et son salaire a été payé par le NPD jusqu'à ce que son nouveau patron soit élu aux Communes en 2004.

«J'étais payé par le parti parce que mon travail était considéré comme étant partisan», a indiqué hier M. Bélanger.