Des groupes de défense des libertés civiles s'inquiètent au plus haut point des implications du plan de périmètre de sécurité présenté hier par les gouvernements canadien et américain.

«On n'a jamais vu, dans une seule annonce, une érosion aussi grande et aussi globale des normes historiques et des protections que l'on connaît selon nos normes canadiennes», a dénoncé Roch Tassé, porte-parole de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles.

Les plans d'action présentés simultanément à Washington et à Ottawa, hier, ont pour objet la facilitation du passage des personnes et des marchandises aux frontières canado-américaines. Pour ce faire, la feuille de route, largement composée de projets- pilotes et de groupes de travail, prévoit la mise sur pied de mesures de sécurité accrues et d'un plus grand partage de renseignements entre les deux pays.

En contrepartie, les entreprises, d'abord, ainsi que les simples voyageurs, pourront jouir de certains avantages.

D'ici à 2015, par exemple, les gens qui font escale aux États-Unis en provenance d'un aéroport canadien n'auront plus à faire inspecter leurs bagages de nouveau avant de s'envoler vers leur destination finale. Des automobilistes qui font la file pour passer à la douane américaine verront le temps d'attente indiqué en temps réel. Et les programmes de passagers «préautorisés», comme NEXUS, seront améliorés afin de décongestionner les points d'entrée.

Mais le prix qu'ils devront payer en matière de vie privée et de partage de leurs renseignements personnels reste largement à déterminer.

Le Canada et les États-Unis partageront désormais des renseignements sur les personnes qui entrent et sortent de leur territoire. Davantage de renseignements seront échangés pour combattre le terrorisme. On souhaite aussi «encourager les échanges informels de renseignements, d'informations et d'éléments de preuve liés à l'application de la loi».

Cependant, des détails comme la portée de ces renseignements, leur nature et le contexte dans lequel ils seront divulgués n'ont pas été précisés dans l'annonce. Les deux gouvernements se sont entendus pour dresser, d'ici mai 2012, «un ensemble de principes conjoints sur la protection des renseignements personnels» et pour respecter leur souveraineté respective. Le Canada a également promis d'agir conformément à ses lois en la matière, ainsi qu'à la Charte des droits.

«Le simple fait que les initiatives proposées se traduiront par un échange de renseignements sans précédent requiert une grande vigilance en ce qui concerne la protection de la vie privée», a néanmoins indiqué la commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart.

Des groupes comme la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et le Conseil des Canadiens s'inquiètent en outre du fait que l'entente ne prévoit pas de mécanisme de plaintes et de surveillance. «C'est très troublant, a dit M. Tassé. On sait qu'aux États-Unis, il n'y a pas de régime de protection de la vie privée comparable à celui du Canada, surtout depuis le 11-Septembre, en vertu du Patriot Act et d'autres mesures administratives adoptées par la Maison-Blanche.»

Plusieurs ont donc réclamé la tenue d'un réel débat au Parlement et sur la place publique avant de mettre ces mesures en oeuvre. Comme la plupart peuvent l'être par voie réglementaire, le gouvernement Harper n'a aucune obligation de le faire. Il a néanmoins promis de rendre des comptes aux représentants élus de manière régulière.