Le ministre québécois de la Justice, Jean-Marc Fournier, est revenu bredouille de sa rencontre avec son homologue fédéral, mardi. Il n'a pas mâché ses mots pour dénoncer l'attitude d'Ottawa dans le dossier du projet de loi C-10.

«Je ne reconnais pas le Canada que je connais dans ce genre de décision là. C'est n'est pas un gouvernement du Canada. C'est un gouvernement du Reform Party», a-t-il lancé en point de presse, au terme du tête-à-tête.

La rencontre organisée à la demande de M. Fournier visait à discuter du projet de loi omnibus en matière de justice criminelle. C-10 vise à sévir davantage contre les personnes déclarées coupables de certains crimes, dont les jeunes contrevenants.

Selon Québec, qui a proposé trois amendements la semaine dernière, la nouvelle approche fédérale est trop punitive, elle va à l'encontre de l'approche québécoise axée sur la réhabilitation et elle ne s'appuie sur aucune donnée factuelle ou scientifique. C'est particulièrement vrai, a réitéré le ministre Fournier, du retrait des objectifs de la loi sur la justice pénale pour adolescents de la notion de «protection durable du public».

Mais le ministre fédéral de la Justice voit les choses autrement. Rob Nicholson ne s'est rendu qu'à une seule des demandes de la province, d'ordre plutôt sémantique. Les deux principales revendications, maintenir l'objectif de protection durable et restreindre la publication de l'identité des jeunes contrevenants, sont donc restées lettre morte.

«Je dois avouer qu'en venant ici, je m'attendais à une certaine ouverture, a réagi M. Fournier. Je m'attendais à ce que nous puissions faire un temps d'arrêt dans l'adoption du C-10 pour que nos experts puissent partager leurs connaissances.»

«Depuis le début, ce que je demande au gouvernement fédéral, c'est de nous donner les études qu'ils ont pour soutenir ce qu'ils proposent, a-t-il ajouté. Or, aujourd'hui,

M. Nicholson m'a dit qu'il avait des observations personnelles. Je ne peux accepter qu'on légifère en matière criminelle, quand on pense à la protection de la société, seulement en se guidant sur des observations personnelles.»

Au cours d'un point de presse tenu quelques minutes après celui de son homologue provincial, Rob Nicholson a réitéré une position qu'il avait déjà exprimée: les changements contenus dans C-10 sont issus de suggestions faites par les provinces elles-mêmes.

«Je suis toujours heureux de discuter avec mes homologues provinciaux», a-t-il déclaré.

Le projet de loi C-10, que le Parti conservateur avait promis d'adopter en 100 jours s'il était réélu, fait actuellement l'objet d'un marathon d'étude article par article au comité permanent de la Justice. Cette étude accélérée, imposée par le gouvernement, devait durer jusqu'à minuit mardi soir et mercredi soir.

La députée néo-démocrate Françoise Boivin, membre de ce comité, a affirmé qu'il y avait très peu d'espoir que des changements d'importance soient ainsi adoptés. «Il n'y a rien à faire avec ces gens-là. Ils sont sur une mission», a-t-elle déploré.