Le Parti libéral du Canada demande au gouvernement Harper de prendre son temps avant de réformer le Sénat, l'invitant à consulter les provinces et à demander à la Cour suprême du Canada de valider tout projet de loi qui modifierait le mandat des sénateurs.

Au cours des derniers jours et à la veille de la reprise des travaux parlementaires, de nombreuses provinces ont critiqué l'intention d'Ottawa d'aller de l'avant avec ses plans de longue date de limiter la durée du mandat des sénateurs et d'organiser des élections sénatoriales pour combler les vacances.

Lundi, le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, Pierre Moreau, a affirmé que son gouvernement contesterait devant les tribunaux toute tentative de changement unilatéral à la Chambre haute. Hier, c'était au tour du premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, de recommander carrément d'abolir le Sénat, puisque tout plan de réforme est à son avis irréalisable. D'autres premiers ministres provinciaux, dont celui de la Nouvelle-Écosse, se sont eux aussi prononcés contre des changements unilatéraux.

Au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse, hier, le leader du Parti libéral du Canada au Sénat, James Cowan, a exhorté le premier ministre Stephen Harper à mener des consultations avec ses homologues des autres gouvernements avant de présenter de nouveaux projets de loi au Parlement. Quant aux questions de la validité des projets eux-mêmes et de la marche à suivre pour apporter les changements envisagés, le sénateur Cowan a indiqué qu'Ottawa devrait suivre l'exemple du dossier de la commission des valeurs mobilières unique et renvoyer la question à la Cour suprême du Canada pour obtenir son opinion. «Pourquoi ne pas prendre cette précaution?, a lancé James Cowan. Ce n'est pas la modification d'une loi ordinaire. C'est la Constitution du pays. C'est trop important pour risquer de manquer notre coup.»

Ce n'est pas la première fois que l'idée d'un tel renvoi est avancée: il s'agissait de la recommandation principale du rapport d'un comité sénatorial qui s'est penché sur la question en 2007. La plus haute cour du pays s'est d'ailleurs déjà prononcée sur le sujet: en 1979, à la demande du premier ministre de l'époque, Pierre Elliott Trudeau. «En 1979, la Cour suprême a invité le gouvernement à revenir devant elle avec une proposition visant la durée du mandat. Nous croyons que la Cour avait raison et que c'est de cette manière qu'il faut procéder», ont écrit les sénateurs à cet égard.

Le gouvernement Harper a introduit plusieurs projets de loi pour réformer le Sénat depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2006, mais aucun n'a jamais été adopté. Le dernier en date, le projet de loi C-10, est mort au feuilleton lors du déclenchement des dernières élections. Il proposait de limiter le mandat des sénateurs à huit ans. Le projet de loi S-8, qui a connu le même sort, visait quant à lui à établir un système électoral auquel les provinces pourraient adhérer ou non, mais qui déterminerait le choix des sénateurs par le gouvernement fédéral.

Ottawa compte maintenant aller de l'avant avec sa réforme le plus rapidement possible, espérant faire adopter ses projets d'ici la fin de l'année. Selon des informations qui ont circulé cette semaine, le premier ministre serait même prêt à mettre de l'eau dans son vin et à envisager de limiter les mandats des sénateurs de manière moins drastique, à 10, 12 ou 15 ans, par exemple, ce qui pourrait rallier les libéraux à son combat.

«Je pense que quelque chose de l'ordre de 12 à 15 ans, c'est raisonnable», a noté hier le sénateur James Cowan. Les libéraux craignent entre autres qu'avec des limites de huit ans, un premier ministre qui remporterait deux majorités successives aurait le pouvoir de modifier l'ensemble de la Chambre haute.