Aux grands maux, les grands remèdes: le gouvernement Harper a décidé de créer un fonds spécial de trois milliards de dollars pour financer des projets d'ici 120 jours qui pourraient relancer l'économie rapidement.

La création de ce fonds a été annoncée hier par le président du Conseil du Trésor, Vic Toews, à peine 24 heures après que le ministre des Finances Jim Flaherty eut déclaré, à la surprise des partis de l'opposition, que le gouvernement fédéral risque de «commettre des erreurs» dans le financement de projets pour stimuler l'économie, en récession depuis le dernier trimestre de 2008.

 

Les divers ministères du gouvernement toucheront leur part de cette somme de trois milliards à partir du 1er avril et auront jusqu'à la fin de juin pour financer les projets ayant été approuvés.

«Dans le budget de 2009, il est fait mention de l'importance pour le gouvernement d'agir promptement pour soutenir l'économie canadienne et que les mesures annoncées doivent prendre effet d'ici 120 jours pour afin d'être efficaces», peut-on lire dans le budget des dépenses déposé hier par le ministre Vic Toews à la Chambre des communes.

Scandale des commandites

Mais le NPD, le Bloc québécois et, dans une moindre mesure, le Parti libéral ont affirmé hier que cette manoeuvre du gouvernement Harper risque de donner lieu à des abus. Le député néo-démocrate Thomas Mulcair a affirmé que les dérapages pourraient être du même acabit que ceux survenus lors du scandale des commandites durant le règne des libéraux.

«Nous sommes tout à fait en faveur des dépenses publiques pour stimuler l'économie. Ce qui est inquiétant ici c'est que les conservateurs sont en train de commettre exactement la même erreur que les libéraux dans le cas du scandale des commandites. Ils sont en train d'enlever les règles normales pour vérifier que les dépenses sont faites conformément aux règles régissant les dépenses de l'argent public», a affirmé M. Mulcair aux journalistes.

«On craint que lorsque M. Flaherty annonce d'avance ses erreurs, il est en train d'essayer de s'arbitrer un petit peu d'éventuels scandales, parce scandale il y aura. C'est inévitable. Si vous sortez des milliards de dollars sans contraintes, sans suivre les règles d'objectivité, vous allez avoir des scandales, c'est inévitable», a ajouté le député d'Outremont.

Le ministre Vic Toews a rétorqué que le gouvernement Harper se plie à une demande des trois partis de l'opposition en tentant d'accélérer les dépenses pour stimuler l'économie. Il a affirmé que le Parti libéral, le Bloc québécois et le NPD réclament depuis des semaines le financement rapide de projets pour créer des emplois.

«Voici un exemple classique d'un député qui dit une chose et son contraire. Les partis de l'opposition ont affirmé qu'il fallait des mesures pour stimuler l'économie de toute urgence. Mais d'un autre côté, ils font tout pour stopper la mise en oeuvre de notre plan économique», dit le ministre.

Harper cinglant

De passage hier à Burnaby, en Colombie-Britannique, le premier ministre Stephen Harper s'est plus montré cinglant. Il a brandi la menace d'élections générales si les partis de l'opposition tentaient de ralentir l'adoption des mesures visant à stimuler l'économie. Toutefois, les libéraux appuient le budget déposé aux Communes par le ministre des Finances Jim Flaherty le 27 janvier.

Dans ce budget, le grand argentier du pays a proposé un plan de relance de 40 milliards de dollars au cours des deux prochaines années. Mais plusieurs dénoncent la lenteur du gouvernement à débloquer les fonds.

Le critique libéral aux finances, John McCallum, a soutenu que le gouvernement a raison de tenter d'accélérer les dépenses en ces temps de crise économique. Mais il a dit craindre que des règles de comptabilité soient mises de côté.

«Ce qui nous inquiète, c'est que le gouvernement demande au Parlement de lui donner l'approbation pour des dépenses de 3 milliards de dollars même si on ne sait pas en ce moment exactement quelles sont ces dépenses. (...) C'est un peu comme un chèque en blanc. Et c'est ça le problème. C'est pour ça qu'on va poser des questions détaillées aux ministres pour nous assurer que les fonds seront bien dépensés», a dit M. McCallum.

À Burnaby, le premier ministre a fait écho aux propos de son ministre des Finances en disant qu'il existe des risques que des erreurs soient commises. «Évidemment qu'il y a toutes sortes de risques d'avoir des politiques gouvernementales inefficaces. (...) Mais en ce moment, il faut se préoccuper de la situation à court terme», a-t-il dit.

Des sources gouvernementales ont toutefois affirmé que les projets qui seront financés à partir de la cagnotte de trois milliards devront toujours être approuvés par le Conseil du Trésor. Elles ont aussi fait valoir que des rapports trimestriels devront être rédigés pour expliquer l'utilisation de ces fonds.