La petite communauté de Neskantaga, une réserve indienne du nord de l'Ontario, en est à son 12e suicide depuis un an, et cette fois, c'en est trop. Le corps est toujours à la morgue. Le conseil de bande n'a pas d'argent pour l'enterrer.

Les deux suicides de la semaine dernière ont sonné l'alarme. Quatre conseillers psychologiques ont été dépêchés à Neskantaga et deux policiers ont été rajoutés.

«Dans une semaine, quand les médias ne parleront plus de nous, tout ce beau monde sera reparti», lance au téléphone le grand chef Peter Moonias.

Sa communauté, située à 450 kilomètres au nord de Thunder Bay, compte 450 personnes, dit M. Moonias. Trois cents dans la réserve et cent à Thunder Bay. Un bon nombre des suicides est survenu dans la réserve, les autres, à Thunder Bay.

Mais pourquoi compter ceux de la ville, aussi? «Parce que ce sont nos gens, réplique M. Moonias. Nos jeunes ne peuvent pas aller à l'école ici au-delà de la huitième année [secondaire 2] et ils sont alors envoyés à Thunder Bay.»Des excès dans la consommation de médicaments semblent être la cause directe d'une bonne part des suicides.

On en a compté 12, mais «ça, c'est une estimation prudente», dit le grand chef, ajoutant que certains cas ne sont pas très clairs et qu'il y a eu aussi quelques homicides depuis un an.

Les racines du problème sont profondes, poursuit M. Moonias. Il évoque l'époque des pensionnats, pendant laquelle des milliers de petits autochtones ont été arrachés à leurs parents et envoyés dans des institutions qui se consacraient à leur assimilation.

Pour les routes, l'eau, la construction et la rénovation de maisons, dit le grand chef Moonias, «il ne nous reste que 340 000 $ par année».

Des ados en quatrième année

Les maisons sont pleines de moisissures, on doit faire bouillir l'eau depuis 1994 et ça ne va pas du tout avec les écoliers, poursuit M. Moonias.

«Quand ils finissent leur huitième année ici et qu'ils arrivent à Thunder Bay, nos jeunes se font dire qu'ils ont le niveau d'une quatrième ou d'une cinquième année. Vous les imaginez, nos jeunes de 13, 14 ou 15 ans, assis à côté d'enfants de 9 ans? Ils sont humiliés.»

Comment se sent le grand chef avec tous ces suicides dans sa petite communauté? «Comme quelqu'un qui constate que ses batailles ne mènent nulle part», répond-il. On en est donc là, à Neskantaga.

Au ministère des Affaires indiennes, on nous a renvoyés à Santé Canada pour des commentaires. Chez Santé Canada, on nous a répondu que des infirmières supplémentaires, des psychologues et l'équivalent ontarien de la DPJ avaient notamment été dépêchés à Neskantaga.

Des discussions avec le gouvernement ontarien sont en cours pour déterminer si d'autres mesures d'urgence doivent être prises.