Les pénitenciers fédéraux ne sont pas prêts à affronter la hausse de la population qu'engendrera le durcissement des lois criminelles. C'est ce que craint une majorité d'employés de Service correctionnel Canada (SCC), interrogés dans le cadre d'une vérification interne rendue publique discrètement sur le site de l'organisme fédéral.

Selon cette vérification datée de janvier dernier, 57% du personnel en établissement et 38% des cadres «étaient préoccupés par le fait que le SCC pourrait ne pas être prêt à faire face à tous les impacts résultant des changements» législatifs.

L'objet de ces inquiétudes portait notamment sur des infrastructures inadéquates pour accueillir tous ces délinquants; un manque d'espace pour offrir tous les programmes; un manque de «commodités»; des cuisines trop petites; la capacité de trouver des emplois valorisants pour tout le monde; et des aires communes qui n'ont pas été construites pour répondre à la demande supplémentaire.

«Plusieurs établissements ont été construits en tenant pour acquis qu'il n'y aurait qu'un seul détenu par cellule, mais cela n'est plus le cas en raison du recours à la double occupation», ont précisé les vérificateurs internes.

Occupation double

L'enquête menée entre les mois d'avril 2011 et 2012 révèle aussi que dans moins de la moitié des cas, le placement en occupation double avait fait l'objet d'une évaluation préalable pour en préciser les risques. Les directives internes exigent pourtant une telle évaluation.

D'autres problèmes ont été relevés, notamment par rapport à la gestion des gangs et des délinquants incompatibles. Dans certains cas, ces détenus ne doivent pas être hébergés dans les mêmes établissements ou dans la même unité. «Nous avons constaté que cet aspect des politiques n'était pas toujours respecté», ont noté les vérificateurs.

Au sujet de la réhabilitation, enfin, «80% des directeurs et des sous-directeurs d'établissement interrogés ont affirmé qu'ils ont déjà dû envoyer un délinquant dans un établissement qui, selon eux, n'était pas le plus susceptible de favoriser leur réinsertion.»

Les vérificateurs ont présenté trois recommandations à SCC, qui ont toutes été acceptées. Malgré les problèmes relevés, ils ont conclu que, dans l'ensemble, «un cadre de gestion était en place pour appuyer la gestion de la population».

En tout, 178 entrevues ont été réalisées dans le cadre de cette enquête et 16 établissements ont été visités.

2700 nouvelles places

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Harper a apporté une série de modifications législatives pour augmenter les peines de prison imposées pour certains crimes. «En raison [de ces modifications], le SCC a vu la population de délinquants augmenter, peut-on lire dans le rapport. On s'attend à une hausse de cette population au cours des prochaines années.» Les vérificateurs n'ont pas précisé l'ampleur de cette augmentation.

Or, plutôt que de construire de nouvelles prisons, le gouvernement fédéral a annoncé l'agrandissement d'établissements existants. En tout, 2700 cellules doivent être ajoutées. «Lorsque les nouvelles unités seront complétées, le SCC devrait avoir suffisamment de capacité de logements pour atteindre l'exercice financier 2018-2019», a précisé l'évaluation.

- Avec William Leclerc

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56: C'est le nombre de nouvelles cellules, parmi les 2700 promises par le gouvernement, qui avaient été construites au moment d'écrire le rapport.

Détenus dans les établissements fédéraux depuis 10 ans*:

2003: 12 654

2007: 13 171

2013: 14 780

Source: Bureau de l'enquêteur correctionnel

* Mois de mars de chaque année