La société TransCanada a tenu une série de rencontres de haut niveau à Québec et à Ottawa pour promouvoir la conversion de son gazoduc transcanadien en oléoduc. Il s'agit du deuxième projet de pipeline devant acheminer le pétrole albertain dans la province, une entreprise qui est accueillie avec une ouverture prudente par le gouvernement Marois.

Les registres du lobbyisme fédéral et provincial révèlent que des représentants de TransCanada ont tenu des rencontres avec le cabinet de la première ministre Pauline Marois, ainsi qu'avec des représentants des ministères des Ressources naturelles, de l'Environnement, du Développement économique et de l'Agriculture.

À Ottawa, l'entreprise a rencontré plusieurs ministères, des membres du gouvernement Harper et de l'opposition néo-démocrate. La possibilité de convertir le gazoduc pour qu'il achemine du pétrole brut a été abordée lors de ces réunions.

Bien qu'elle n'ait pas fait d'annonce formelle, l'entreprise TransCanada ne cache pas son intérêt pour ce projet, qui permettrait d'acheminer vers l'Est canadien jusqu'à un million de barils de pétrole par jour. L'émergence du gaz de schiste fait en sorte que son gazoduc, qui traverse le Canada d'ouest en est, n'est plus utilisé à plein rendement.  

Au même moment, les deux raffineries du Québec et celle de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, souhaitent s'approvisionner en pétrole albertain plutôt qu'en brut importé, qui se négocie à un prix beaucoup plus élevé.

Techniquement, ce n'est pas encore un projet, mais nous avons fait beaucoup de travail en coulisses pour déterminer la viabilité d'une telle infrastructure», a indiqué le porte-parole de TransCanada, Grady Semmens.

Le gazoduc part de l'Alberta et s'arrête à Montréal. TransCanada envisage de le prolonger jusqu'à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, afin d'approvisionner la raffinerie Irving. La société n'exclut pas d'exporter un éventuel surplus.

Le pipeline pourrait entrer en service dès 2017. TransCanada compte préciser ses intentions au cours du présent trimestre.  

À Québec, le gouvernement Marois se montre prudent. «Nous ne sommes pas d'emblée hostiles au projet, à condition qu'il soit exemplaire pour l'environnement et qu'il corresponde à nos objectifs d'indépendance énergétique», a déclaré le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet.

Il se garde toutefois «la possibilité de dire non» et prévient que le Québec ne devrait pas être utilisé comme «simple voie de passage». Le ministre voudrait par exemple s'assurer d'obtenir des retombées économiques significatives.  

L'entreprise Enbridge souhaite elle aussi acheminer du pétrole albertain vers le Québec. Elle entend inverser le flux de son pipeline qui relie Sarnia à Montréal - un projet qui est sous la loupe de l'Office national de l'énergie.

Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, voit ces deux projets d'un bon oeil.

Un pipeline vers l'est entraînerait la création de nouveaux emplois et se traduirait par une croissance économique partout au pays, indique Chris McCluskey, porte-parole du ministre. Cela permettrait aux raffineries canadiennes de raffiner davantage de pétrole canadien, rendant notre pays moins dépendant au pétrole étranger, qui est plus cher.»

Les écologistes craignent toutefois que la multiplication des pipelines mène à une croissance tous azimuts de l'industrie des sables bitumineux, déjà responsable de 7% des émissions de gaz à effet de serre du Canada.

On est rendu qu'on veut faire passer des pipelines de sables bitumineux au Québec pour exporter, dénonce Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace. On se trouve avec les inconvénients, avec les risques environnementaux, pour exporter les sables bitumineux.»

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, David Alward, s'est rendu en Alberta plus tôt cette semaine pour y rencontrer son homologue Alison Redford et des représentants de l'industrie pétrolière. Il milite activement pour la construction d'un oléoduc vers sa province.