Tout en reconnaissant le sérieux problème de surpopulation carcérale au Québec, le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, ne croit pas que la situation soit plus critique à la prison de Bordeaux que dans les autres établissements de détention de la province.

«Il n'y a pas de raison de le penser», a dit le ministre Bergeron, qui réagissait à la publication d'un dossier sur le sujet dans La Presse. «Cela dit, on ne se met pas la tête dans le sable, il est clair qu'on a un problème de surpopulation. Et qui dit surpopulation dit promiscuité, ce qui est généralement de nature à créer des tensions.»

La Presse a rapporté hier qu'une demi-douzaine de juges ont réduit de plusieurs mois les peines de prévenus qui avaient été incarcérés à la prison de Bordeaux pour compenser leurs pénibles conditions de détention.

«Je ne suis pas autorisé, compte tenu du principe de la séparation des pouvoirs, à émettre le moindre commentaire sur ces jugements, dit M. Bergeron. Mais d'une façon générale, j'aurais tendance à penser qu'il n'y a pas de raison de réduire la peine de quelque détenu que ce soit parce qu'il est dans tel ou tel centre de détention.»

«Légendes urbaines»

Plusieurs gardiens et anciens détenus ont affirmé à La Presse qu'un climat de violence règne à Bordeaux. Mais, citant les statistiques officielles de la prison - selon lesquelles un seul détenu a subi des blessures graves aux mains d'un autre prisonnier l'an dernier -, le ministre qualifie ces témoignages de «présuppositions et de ouï-dire».

«Cette légende urbaine selon laquelle les détenus se blessent entre eux et se percent ici et là, cela ne semble pas être corroboré par les statistiques tenues par l'établissement de détention», affirme M. Bergeron. Le ministre assure également que l'infestation de rats causée l'an dernier par le bris d'une conduite lors de travaux de rénovation n'est plus qu'un mauvais souvenir.

Le ministre réfute aussi les témoignages selon lesquels l'aile C de la prison, où s'entassent 193 prévenus en attente de leur procès, est particulièrement dangereuse.

Il admet toutefois que cette aile, inchangée depuis la construction de la prison il y a 100 ans, devra à un moment donné être divisée en petits secteurs.

«Il est vrai que cette prison est un vieil établissement, il y a un programme de rénovation pour faire en sorte de le mettre aux normes d'aujourd'hui», précise-t-il. L'exercice prendra plusieurs années. «Évidemment, on ne peut pas tout faire d'un coup de baguette.»

Nouvelles prisons

Le gouvernement prévoit construire quatre prisons, en plus d'acquérir de nouvelles installations, pour atténuer le problème de surpopulation. Mais M. Bergeron admet que ce ne sera pas suffisant. Avec l'entrée en vigueur de la Loi fédérale sur la sécurité des rues et des collectivités (projet de loi C-10), qui impose des peines minimales pour certains crimes, la population carcérale risque carrément d'exploser. «C'est un problème sérieux, et nous devons trouver des solutions rapidement, puisqu'il est évident que le problème n'ira pas en s'améliorant au cours des prochains mois», prévient le ministre.