Le ministre de la Coopération internationale, Julian Fantino, a assisté, jeudi, à la remise de 14 prix de bravoure à des policiers qui ont sauvé des vies lors du séisme en Haïti en 2010, mais a refusé de rencontrer les médias pour expliquer ses propos controversés des derniers jours portant justement sur Haïti.

Le ministre Fantino n'a répondu à aucune question, pas même sur le sujet de la remise des prix de bravoure à des policiers de différents corps de police et à un membre des Forces armées canadiennes.

Pourtant, la première convocation transmise aux médias mentionnait explicitement que «le commissaire (de la GRC Bob) Paulson, le ministre Fantino» et quelques représentants des corps policiers «seront disponibles pour des entrevues après la cérémonie».

Mais la seconde convocation transmise aux médias ne mentionnait plus cette disponibilité pour des entrevues ou répondre à des questions.

Dès la fin de la cérémonie, tenue au quartier général de la GRC à Montréal, le ministre a quitté la salle.

Il y a quelques jours, dans une entrevue au quotidien La Presse, le ministre Fantino avait annoncé un gel des projets d'aide de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) en Haïti, disant vouloir mieux évaluer les formes que devait y prendre l'aide canadienne. Après avoir visité ce pays en novembre dernier, il s'était aussi dit découragé de voir que des déchets traînaient partout en Haïti.

Ses propos sur l'aide à ce pays ont depuis suscité la controverse, étant même déplorés à mots couverts par des représentants américains et des Nations unies.

Le ministre a prononcé une brève allocution lors de la remise des prix, mais son discours n'était qu'en anglais, alors que 13 des 14 policiers honorés, et qui étaient présents, sont francophones.

«Au cours des 24 dernières années, près de 3000 policiers canadiens ont oeuvré à des missions internationales difficiles, au nom de la paix et de l'aide humanitaire, tout comme des membres des Forces armées canadiennes», a souligné M. Fantino.

Sauveteur les côtes cassées

Les agents honorés ont tous sauvé des vies lors du séisme en Haïti, souvent au péril de la leur.

L'un d'entre eux, Yves Leclerc, du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), a raconté en entrevue qu'il avait même deux côtes cassées lorsqu'il a déplacé des morceaux de béton pour sauver des gens emprisonnés dans les cloisons d'un édifice effondré.

«J'étais dans les bureaux administratifs lorsque le tremblement de terre est arrivé. Lorsque l'immeuble dans lequel j'étais s'est effondré, j'étais au deuxième étage. J'ai tenté de sortir, mais la sortie du rez-de-chaussée était déjà bloquée. J'ai monté les escaliers, mais en montant les escaliers, l'immeuble tremblait tellement que je me suis fait secouer de droite à gauche et que je me suis fracturé deux côtes. Je me suis réfugié sur le toit», a relaté le policier, qui travaille aujourd'hui au sein du Groupe tactique d'intervention de la police de Montréal.

«Une fois les secousses terminées, j'ai entendu les cris de mes collègues qui étaient prisonniers au rez-de-chaussée. À deux ou trois reprises, j'ai tenté de redescendre la cage d'escalier, mais l'air était irrespirable», raconte-t-il, encore ému, trois ans plus tard.

«Lorsqu'il y a eu moins de secousses, j'ai réussi à descendre. Il y avait des collègues africains pris dans les cloisons des murs. Je n'ai pas pu ne pas répondre à leur appel. Leurs cris de détresse sont venus me chercher dans le plus profond de mes valeurs. Je suis descendu à l'intérieur (dans les débris) et, pendant 30 minutes, j'ai bougé des blocs de béton. J'étais vraiment sous l'adrénaline. J'ai réussi à les dégager», relate-t-il fièrement.

M. Leclerc est l'un des policiers honorés, en compagnie de collègues du SPVM, de la Sûreté du Québec, de la Gendarmerie royale du Canada, de la Sécurité publique du Saguenay, du Service de police d'Ottawa et un membre des Forces armées.

Jointe au téléphone, la porte-parole du Nouveau Parti démocratique pour le dossier de la Coopération internationale, Hélène Laverdière, a déploré l'attitude du ministre Fantino.

«Il veut geler l'aide en Haïti de façon très unilatérale, sans consulter nos partenaires internationaux, sans consulter les gens sur le terrain, les organisations canadiennes qui sont sur le terrain en Haïti. C'est toujours cette attitude arrogante», a-t-elle dénoncé en entrevue.

Et selon elle, le fait qu'un représentant de l'ONU et un autre des États-Unis aient à mots couverts déploré l'annonce du ministre canadien est significatif. Ce sont des «mots qui, dans le milieu de la coopération internationale ou le milieu diplomatique, restent quand même assez forts», croit Mme Laverdière.