En prévision de l'entrée en vigueur prochaine du projet de loi C-31, qui prescrit le placement en détention automatique pour certains demandeurs d'asile, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a établi une directive pour encadrer et limiter la détention des enfants, a constaté La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Selon l'ASFC, les enfants sont de moins en moins nombreux à être placés en détention. Ils représentent tout de même 3% des personnes détenues par l'ASFC, un point qui vaut au Canada des critiques régulières de la part d'ONG.

L'ASFC estime cependant que la séparation de l'enfant et de ses parents n'est pas toujours dans le meilleur intérêt de l'enfant et est contraire aux obligations internationales du Canada. L'adoption du projet de loi C-31, qui prévoit la détention automatique des adultes faisant partie d'une «arrivée désignée» par le ministre, risque toutefois d'augmenter le nombre de séparations, selon la directive.

«L'ASFC veut autoriser l'hébergement d'enfants dans ses centres de prévention, pour certaines situations spécifiques», peut-on lire.

Consentement des parents

Les enfants de moins de 18 ans peuvent être placés en détention s'ils accompagnent leurs parents. Mais, pour ce faire, l'ASFC doit toujours s'assurer d'obtenir le consentement des parents.

«Dans toute situation où la détention pourrait affecter directement ou indirectement un enfant, l'agent des services frontaliers doit prendre en considération l'opinion des parents. Celle de l'enfant peut être aussi prise en compte, selon son âge et sa maturité», explique la directive.

De plus, l'ASFC prévoit des révisions informelles de détention des enfants une fois par semaine.

«Ils font un effort pour ne pas détenir des enfants, mais les enfants continueront à être détenus s'il n'y a pas d'autre solution», explique Janet Cleveland, chercheuse et psychologue au CSSS de la Montagne et à l'Université McGill. Elle cite l'exemple de certains pays européens où des travailleurs sociaux placent des familles immigrantes en résidence surveillée.

«On ne parle pas du tout de cette possibilité», constate Mme Cleveland, qui a beaucoup étudié l'impact de la détention sur la santé mentale des demandeurs d'asile.

Centre ou prison

L'ASFC gère trois centres de prévention de l'immigration, à Laval, Toronto et Vancouver. Dans les autres provinces, les immigrants sont détenus dans des prisons.

La nouvelle loi prévoit toutefois que les mineurs de plus de 16 ans qui ne voyagent pas avec leurs parents, mais qui font l'objet d'une «arrivée désignée» par le ministre soient placés en détention dans les centres ou même dans les prisons. «Peu importe ce que dit la directive, ça ne change pas la loi», estime

Mme Cleveland.

Les demandeurs d'asile peuvent être placés en détention à leur arrivée au Canada ou, une fois déboutés, avant leur expulsion. Les centres de prévention de l'immigration peuvent aussi accueillir des immigrants en situation irrégulière.

Plus de 4000 personnes ont été détenues par l'ASFC en 2009-2010 au Canada.

- Avec William Leclerc