Est-ce une ouverture du gouvernement conservateur envers les parlementaires étrangers élus dans une circonscription dont le Canada fait partie? Ou simplement parce que les Italo-Canadiens ont pris la peine de demander la permission au Canada avant d'installer leurs bureaux de vote pour leurs élections nationales?

Quoi qu'il en soit, Ottawa aurait confirmé jeudi au gouvernement italien que les Italiens du Canada pourront voter pour leurs propres candidats aux prochaines élections générales italiennes, qui devraient se tenir à la fin du mois de février. La nouvelle a été rendue publique en Italie, mais le ministère des Affaires étrangères du Canada n'a pas été en mesure hier de la confirmer à La Presse, encore moins d'en expliquer les modalités.

Les Italo-canadiens s'étaient inquiétés récemment du silence d'Ottawa concernant une demande de l'Italie d'autoriser ses ressortissants au Canada à choisir les élus qui représenteront la circonscription de l'Amérique du Nord et de l'Amérique centrale au Parlement italien (deux députés et un sénateur). Le gouvernement de Stephen Harper dit refuser «par principe» que le Canada fasse partie d'une circonscription électorale d'un autre pays.

Tant la Tunisie que la France se sont heurtés ces derniers mois à l'intransigeance d'Ottawa. «Les Canadiens ne veulent pas que des batailles électorales d'autres pays envahissent nos rues et nos communautés», avait dit en février un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Oui pour l'Italie

La récente décision a notamment été saluée tant par les Italo-Canadiens que par les représentants d'autres nationalités qui se sont frottés aux mêmes difficultés.

«C'est une bonne nouvelle non seulement pour plus de 110 000 Italiens avec la double nationalité [canadienne], mais pour tous les quelque 2 millions de Canadiens d'origine italienne qui se sentent proches de leur pays d'origine», a déclaré jeudi le sénateur italo-montréalais Basilio Giordano, à l'agence de presse italienne Prima Pagina News.

Le sénateur indique «ne jamais avoir eu de doutes» sur l'issue des négociations entre Ottawa et Rome à ce sujet. Lors des scrutins de 2006 et de 2008, une entente avait pu être négociée avec les autorités canadiennes. «Mais cette fois, ç'a été plus compliqué», a expliqué à La Presse Giovanni Rapanà, militant du Parti démocrate italien à Montréal. «Les conservateurs ont la majorité à Ottawa et ils n'étaient pas favorables à la démarche.»

L'affrontement diplomatique entre la France et le Canada le printemps dernier n'annonçait rien de bon. «Par contre, note M. Rapanà, la loi italienne nous oblige à demander la permission au pays concerné avant de tenir le scrutin. La loi française, elle, n'oblige qu'à informer le pays en question.» Cette manière de faire a peut-être aidé les Italiens à obtenir gain de cause, indique M. Rapanà.

Selon le ministère italien des Affaires étrangères, Ottawa avait «depuis longtemps» manifesté son «hostilité» à l'égard de ce vote, mais a ensuite «pris acte des assurances fournies par notre ambassade, concernant l'observation par le gouvernement italien des conditions posées en 2008 par les autorités canadiennes», a indiqué hier l'AFP.

Quoi qu'il en soit, estime François Lubrina, conseiller élu à l'Association des Français de l'étranger, cette décision est signe d'une «ouverture» du premier ministre Harper envers les élus étrangers qui représentent des ressortissants au Canada. «Le Canada est le seul pays à agir ainsi, dit-il. D'ailleurs, il serait temps que le Canada ait lui aussi une représentation démocratique de ses ressortissants à l'étranger...»