Le Québec a déjà obtenu l'aide financière du gouvernement fédéral pour des projets de développement de l'électricité, démontrent des documents obtenus par La Presse.

En 1970, le gouvernement libéral de Pierre Trudeau a consenti un prêt de 17,5 millions et une subvention de 3,25 millions répartie sur 10 ans pour soutenir la création de l'Institut de recherche d'Hydro-Québec.

Cet organisme, qui se trouve à Varennes, près de Montréal, est aujourd'hui reconnu dans le monde entier pour ses recherches et ses innovations dans les domaines de la production, du transport et de la distribution de l'électricité.

En 1973, le gouvernement Trudeau a accordé à Hydro-Québec un autre prêt, cette fois d'environ 150 millions de dollars, pour financer la construction de la centrale nucléaire Gentilly-2, à Bécancour, près de Trois-Rivières, qui a déjà fourni 675 MW d'électricité, soit environ 2% de la puissance du réseau d'Hydro-Québec.

«Concurrence déloyale»

Selon la Banque du Canada, ces deux aides financières vaudraient aujourd'hui près d'un milliard, en tenant compte de l'inflation.

Il y a deux semaines, le gouvernement du Québec a qualifié de «concurrence déloyale» la décision du gouvernement Harper d'accorder une garantie de prêt de quelque six milliards de dollars à Terre-Neuve pour le projet hydro-électrique de Muskrat Falls, dans le Bas-Churchill. Cette mesure devrait permettre aux promoteurs du projet d'économiser un milliard en intérêts sur le financement des travaux.

«Le fédéral va subventionner l'hydroélectricité de Terre-Neuve alors que les Québécois ont toujours payé eux-mêmes pour leur électricité. Le fédéral utilise nos impôts pour nous concurrencer», a lancé le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, Alexandre Cloutier, à la suite de l'annonce du premier ministre Harper.

Le ministre a évoqué la possibilité de contester cette garantie de prêt devant les tribunaux. Le Parti libéral du Québec et la Coalition avenir Québec l'ont eux aussi critiquée en soutenant qu'elle «change les règles du jeu» et concurrence Hydro-Québec.

Le NPD appuie Terre-Neuve

À Ottawa, le NPD de Thomas Mulcair appuie sans équivoque la garantie de prêt offerte à Terre-Neuve. Selon les néo-démocrates, cette formule d'aide financière ne coûte rien aux contribuables canadiens et permettra de lutter contre les changements climatiques en remplaçant des centrales au charbon polluantes, en Nouvelle-Écosse, par des sources d'énergie plus propres.

Rappelons que le tracé retenu implique l'installation de deux câbles sous-marins de plus de 100 km entre le Labrador et Terre-Neuve, puis entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. La firme de génie montréalaise SNC-Lavalin en sera le maître d'oeuvre.

Hydro-Québec s'est montrée avare de commentaires. Une porte-parole, Arianne Connor, a souligné que les prêts portant intérêt pour la construction de Gentilly-2 ont été remboursés à Ottawa. Elle n'a toutefois pas été en mesure de dire si le gouvernement fédéral avait accordé d'autres prêts ou subventions à la société d'État pour aménager son réseau électrique. «Il faudrait qu'on entreprenne des recherches assez poussées. Je ne suis pas en mesure d'affirmer l'un ou l'autre», a dit Mme Connor.

Selon Jean-Thomas Bernard, expert dans le domaine de l'énergie et professeur à l'Université d'Ottawa, il n'y a pas eu beaucoup de subventions dans le secteur de l'électricité.

Il rappelle que le prêt accordé par Ottawa pour Gentilly-2 s'inscrivait à l'époque dans un effort pancanadien qui visait à stimuler l'industrie de l'énergie nucléaire, en particulier en Ontario. «On pensait que l'avenir était dans le nucléaire, et le gouvernement fédéral était l'agent du développement», a-t-il dit.

Gentilly-2 était la seule centrale nucléaire en exploitation au Québec jusqu'à ce que la première ministre Pauline Marois annonce sa fermeture quelques semaines après avoir pris le pouvoir. Le réacteur doit être mis en arrêt le 28 décembre.