Un tribunal a destitué lundi le maire de la plus grande ville du Canada relativement à des dons de quelques centaines de dollars faits à son organisation charitable. Dans une décision coup-de-poing, la Cour supérieure de l'Ontario a tranché que Rob Ford s'est placé en situation de conflit d'intérêts et qu'il doit donc quitter ses fonctions.



La Cour permet au maire de rester en poste pour une durée de 14 jours. Il devra libérer son siège une fois ce délai expiré, à moins qu'un tribunal supérieur ne suspende le jugement le temps que le maire interjette appel.

M. Ford n'a d'ailleurs laissé planer aucun doute quant à ses intentions. Avec son habituel style coloré, il a annoncé qu'il contestera le jugement.

«La gauche veut me chasser de l'hôtel de ville et ils feront tout en leur pouvoir pour y parvenir, a-t-il déclaré. Je vais me battre bec et ongles pour conserver mon poste.»

La décision a provoqué un coup de tonnerre à l'hôtel de ville de Toronto, où partisans et adversaires de M. Ford ont été estomaqués par le fait qu'une poursuite intentée par un simple citoyen puisse se solder par une décision aussi sévère.

Le conseiller Giorgio Mammoliti, l'un des plus fidèles alliés du maire, a claqué la porte du comité exécutif.

Son collègue Josh Matlow se décrit comme un centriste. Il vote parfois du même côté que M. Ford, parfois contre lui. M. Matlow admet avoir été secoué par le jugement, qui pourrait mettre un terme au règne controversé.

«Toronto et Montréal ont une rivalité historique, a-t-il indiqué à La Presse. Et maintenant, nous sommes en compétition pour savoir à quel point nos maires peuvent se mettre dans le pétrin.»

Il critique particulièrement la réaction de M. Ford, qui a présenté la décision de lundi comme un complot gauchiste.

«C'est le genre de comportement qui l'a mis dans le pétrin à répétition», a-t-il affirmé.

L'hôtel de ville ne devrait pas être paralysé par la décision, selon le conseiller. Même en l'absence du maire, le conseil municipal comptant 45 élus (44 sans le maire) pourra continuer d'adopter des règlements et d'approuver des contrats.

3150$ en dons

En 2009 et en 2010, lorsqu'il était conseiller municipal, M. Ford a utilisé du papier pourvu de l'en-tête de la Ville de Toronto afin de solliciter des dons pour sa fondation charitable - un organisme visant à encourager des jeunes à jouer au football. En tout, il a amassé 3150$ provenant de lobbyistes et d'entreprises ayant des liens d'affaires avec la Ville.

En août 2010, le commissaire à l'intégrité de la Ville de Toronto a conclu que M. Ford a violé le code de conduite des élus torontois, et lui a ordonné de rembourser la somme.

M. Ford, qui a depuis ce temps été élu maire de Toronto, a toujours refusé d'obtempérer à cette demande.

En février dernier, lorsque le conseil municipal a débattu une motion qui l'aurait libéré de l'obligation de rembourser les dons, il a prononcé un discours passionné avant de participer au vote. Le conseil a tranché à 22 votes contre 12 pour le maire.

Mais un simple citoyen, Paul Magder, a été ulcéré par le comportement du maire. Il a pris l'initiative de s'adresser aux tribunaux pour exiger sa destitution.

«Ce qui est en cause, c'est l'entêtement du maire Ford, résume Me Angela Chaisson, l'un des trois avocats qui ont plaidé la cause. Son refus de reculer, de rembourser l'argent et d'écouter le commissaire à l'intégrité.»

Lors de son témoignage, en septembre, M. Ford a soutenu qu'il n'avait rien fait de mal. Mais il a aussi admis ne pas avoir pris connaissance de la loi provinciale régissant les conflits d'intérêts chez les élus municipaux.

«Aveuglement volontaire»

Sa défense n'a guère impressionné le juge Charles T. Hackland.

«À mon avis, écrit-il, les actions du défendeur ont été caractérisées par l'ignorance de la loi et un manque de diligence à recevoir des conseils professionnels, ce qui équivaut à de l'aveuglement volontaire.»

Rob Ford a maintenant 30 jours pour faire appel du jugement. Si cette avenue échoue, le conseil municipal devra soit nommer un nouveau maire qui sera d'office jusqu'à la fin de son mandat, en décembre 2014, soit déclencher une élection partielle, ce qui coûterait 7 millions aux contribuables.

- Avec le Toronto Star