Le gouvernement du Québec se réjouit de la décision de la Cour supérieure rendue ce vendredi qui ordonne de protéger les données québécoises du registre fédéral des armes d'épaule jusqu'à ce que le tribunal entende la cause sur le fond en juin prochain.

«C'est très certainement une victoire pour le Québec et le fédéralisme d'ouverture, de respect, d'égalité et de coopération auquel nous adhérons», a dit le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, lors d'un point de presse en après-midi au palais de justice de Montréal.

Après avoir obtenu une injonction provisoire le 5 avril, puis une injonction interlocutoire aujourd'hui, le ministre Fournier a comparé cette lutte devant les tribunaux à une partie de hockey au cours de laquelle le Québec a remporté les deux premières périodes. «Cela dit, la dernière période d'un match est toujours décisive. On débute cette troisième période avec une avance», a-t-il illustré.

Le ministre Fournier invite d'ailleurs le gouvernement de Stephen Harper à mettre fin à la partie dès maintenant en aidant Québec à mettre sur pied son propre registre des armes d'épaule en lui fournissant les données du registre canadien. «Le gouvernement fédéral ne peux pas se comporter comme s'il était le seul gouvernement au Canada», a-t-il indiqué.

Le projet de loi fédéral sur la destruction du registre des armes d'épaule a obtenu la sanction royale au début du mois d'avril. Il n'a toutefois pas force de loi au Québec en raison de l'injonction.

Québec avait déjà annoncé son intention de mettre sur pied son propre registre des armes d'épaule, en récupérant les données recueillies jusqu'ici par le fédéral. Mais Ottawa s'y oppose et refuse de transférer les données.

Dans sa décision rendue par écrit, le juge de la Cour supérieure Marc-André Blanchard retient que, depuis la naissance du registre, on constate une baisse de la criminalité associée aux armes à feu sur le territoire québécois. Les «coûts associés au maintien du registre s'avèrent, somme toute, raisonnables», ajoute aussi le magistrat.

Cette décision réjouit la porte-parole du groupe Polysesouvient, qui milite pour le contrôle des armes à feu depuis la tragédie de Polytechnique, Heidi Rathjen. «Non seulement l'injonction est prolongée, mais le juge a repris plusieurs arguments de Québec à l'effet que le registre est efficace et à un coût raisonnable. Cela contredit les conservateurs qui martèlent que le registre est coûteux et inefficace», a-t-elle souligné. Le juge Blanchard interdit donc au gouvernement fédéral de détruire les données québécoises du registre d'ici à ce que le débat sur le fond ait lieu au mois de juin. Il lui ordonne également de continuer à le mettre à jour en ce qui concerne les données québécoises.

De son côté, Ottawa affirme que Québec est en droit de mettre sur pied son propreregistre, mais qu'il devra le faire sans utiliser les données déjà contenues dans le registre pancanadien. Le juge Blanchard a d'ailleurs souligné le caractère «exceptionnel» de ce litige. «Deux gouvernements, tous deux démocratiquement élus, proposent une vision diamétralement opposée de ce qu'il convient d'appeler le bien commun. À l'évidence, le remède recherché par le Québec mènera à la négation de la volonté du Canada, alors que la volonté de ce dernier prive le Québec, selon cette dernière, de la possibilité de mettre en oeuvre un registre québécois des armes à feu englobant les armes d'épaule réellement efficace et à jour», analyse le juge de la Cour supérieure.

Le magistrat se demande si les agissements du Canada dans ce dossier ne constituent pas une «tentative déguisée ou indirecte d'empêcher une province, en l'occurrence ici le Québec, de réglementer dans un domaine de sa compétence». Les audiences sur la requête d'injonction permanente auront lieu du 11 au 13 juin.