Un taux de 55 mg d'alcool par 100 ml de sang projeté à 117 km/h dans le corps d'un adolescent de 17 ans. Ce sont les gouttes qui ont tué sa fille, explique Jocelyne Bélanger au bout du fil. La quinquagénaire de Saguenay a perdu sa Claudine en février 2010. Elle avait 27 ans et aurait fêté ses 30 ans «lundi passé».

Le jeune chauffard qui a causé l'accident avait bu. Il transportait trois jeunes femmes, dont son amie de coeur. Elles s'en sont sorties indemnes. Le véhicule qu'il a percuté est devenu le tombeau de François Desgagnés et de Claudine Bélanger.

Le régime sec imposé par Québec aux jeunes conducteurs aurait-il pu sauver la vie de sa fille et de son gendre? Jocelyne Bélanger l'ignore. Le conducteur en cause était «de la mauvaise graine» qui n'en était pas à ses premières visites à la cour de la jeunesse, selon elle.

«Mais pour ceux qui auraient tendance à s'échapper, à perdre un peu le contrôle, ça peut les ramener sur le bon chemin, affirme Mme Bélanger. On réagit quand on est puni. On réagit quand on subit des conséquences importantes.»

Hausser le ton

Dès dimanche, les jeunes automobilistes de 21 ans et moins seront soumis au régime sec, peu importe le type de permis qu'ils détiennent. Le gouvernement Charest fait valoir que cette mesure était nécessaire pour faire diminuer le nombre de tragédies routières mêlant chaque année jeunes conducteurs et alcool.

À la clé pour les fautifs: des amendes salées et une suspension de permis.

Jean-Marie De Koninck, grand manitou québécois de la sécurité routière, appuie Québec dans le dossier. Sa table de concertation avait même proposé de fixer la barre à 25 ans il y a quelques années, avant de se raviser et de prôner un régime sec pour «les premières années de conduite».

Selon M. De Koninck, au même taux d'alcoolémie, un jeune conducteur est quatre fois plus à risque d'avoir un accident routier qu'un adulte.

«Les jeunes sont un petit peu plus téméraires quand ils prennent de l'alcool», avance-t-il.

Contestation à prévoir

Sans être opposés à l'idée même du régime sec, des groupes organisent une réplique à l'initiative du gouvernement du Québec. C'est le cas de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). La plupart de ses membres, des cégépiens, appartiennent à la tranche d'âge visée par le gouvernement.

La loi est «discriminatoire envers les jeunes», fait valoir son président, parce que la loi «cible un groupe d'âge particulier». Léo Bureau-Blouin et son groupe proposent plutôt d'imposer le taux de 0 gramme d'alcool par millilitre de sang pour les trois premières années de possession du permis.

Jocelyne Bélanger n'est pas du même avis. «Je trouve que le réflexe qu'on essaie de développer chez eux, c'est bon. La restriction que ça leur impose, c'est vraiment mineur par rapport à la douleur qu'on doit traîner jour après jour, évalue-t-elle. Ils ne font pas pitié du tout.»

Les taux d'alcoolémie en Amérique du Nord

0,08 gramme d'alcool par 100 millilitres de sang

C'est le taux d'alcoolémie maximal fixé par le Code criminel fédéral. Partout au pays, tout automobiliste conduisant avec une concentration supérieure d'alcool dans le corps est passible d'accusations criminelles.

0,05 gramme d'alcool par 100 millilitres de sang

C'est le taux d'alcoolémie maximal fixé par la majorité des provinces pour les conducteurs circulant sur leurs routes. Les automobilistes fautifs peuvent se voir imposer des amendes salées et une suspension de permis, mais pas l'ouverture d'un casier criminel.

0,00 gramme d'alcool par 100 millilitres de sang

La majorité des États américains, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba imposent un régime sec à tous les automobilistes de moins de 21 ans. Dès dimanche, le Québec fera de même.

Quelques chiffres

De 2005 à 2009, les accidents dus à l'alcool ont causé en moyenne 195 décès, 490 blessés graves et 2200 blessés légers par an, de tous les âges.

Des traces d'alcool ont été retrouvées chez 33% des conducteurs morts âgés de 16 à 19 ans 56% des conducteurs morts âgés de 20 ou de 21 ans