À peine 8,49$. C'est ce que Jean-Claude Poissant, qui vit de production laitière à Saint-Philippe, en Montérégie, a reçu pour la vente d'un veau femelle de 82 livres, en janvier. «Quand j'ai vu ça, j'ai fait le saut!», a dit l'agriculteur à La Presse.

Le prix moyen des génisses laitières, au Québec, était de 343$ en 2008. Mais l'effondrement des marchés boursiers a fait plonger les prix, notamment en réduisant la demande pour les fromages américains, a expliqué Ann Fornasier, agroéconomiste à la Fédération des producteurs de bovins du Québec. Leur prix a chuté à 189$ en 2009, puis à 121$ en 2010, avant de remonter légèrement à 128$ l'an dernier.

La réaction de M. Poissant a été d'aller dans une animalerie, où il a constaté que son veau s'est vendu le prix d'un... hamster. «J'ai aussi vu un chihuahua à 1200$, a-t-il raconté. Je pense commencer à vendre des veaux de compagnie, à promener au bout d'une laisse! Je fais des farces, mais c'en est ridicule. Il y a quelque chose qui ne marche pas.»

«Au cours des dernières années, les prix ont été insuffisants, en particulier pour les veaux laitiers, a confirmé Mme Fornasier. Ils ont souffert de la conjoncture économique.»

«Il faut comprendre que la vente de veaux est une externalité positive pour les producteurs laitiers, a nuancé Maurice Doyon, professeur au département d'économie agroalimentaire de l'Université Laval. En d'autres mots, ils ne sont pas producteurs de veaux. Leurs veaux permettent aux vaches de produire du lait, ce qui est leur activité principale.»

«Dans le secteur laitier, en général, ça va bien, a ajouté Michel Morisset, aussi professeur à l'Université Laval. Les producteurs de lait ne peuvent pas se plaindre.»

Les supermarchés restent muets

En fait, la génisse de M. Poissant a été vendue 34,44$ à l'encan Vankleek Hill Livestock Exchange, en Ontario. Une fois la commission et les frais de transport déduits, il est resté 8,49$. «Qui fait de l'argent? a demandé l'agriculteur. Entre le producteur et le consommateur, que se passe-t-il?»

Exemple: avant la crise de la vache folle, les producteurs recevaient 66% du prix payé par les consommateurs pour du boeuf haché (fait à partir de vaches laitières réformées), selon la Fédération des producteurs de boeuf du Québec. En 2011? Seulement 42%, les abattoirs, détaillants et intermédiaires se partageant le reste.

Les grandes chaînes d'alimentation n'ont pas souhaité aborder cet enjeu. «Sur les parts de marché, il n'y aura pas de commentaires de l'industrie», a dit Nathalie St-Pierre, vice-présidente du Conseil canadien du commerce de détail, qui les représente.

Remontée des prix en 2012

Obtenir 8,49$ pour une génisse n'est pas habituel. Au cours de 2011, M. Poissant a vendu 35 veaux, pour un prix moyen de 125$ par animal. Peut-être que cette génisse était trop petite, n'avait pas l'air vigoureuse ou était la seule femelle à l'encan ce jour-là, a avancé Dany Cinq-Mars, professeur à la faculté des sciences de l'agriculture de l'Université Laval. «Les éleveurs de veaux n'aiment pas mélanger les sexes», a-t-il indiqué.

Les prix sont bas en janvier, puisque les veaux seront prêts à être mangés en été, au moment où la demande est faible, a ajouté Antoine Doyon, producteur de veaux de grains à la Ferme Thomas, de Saint-Isidore-de-Clifton, en Estrie.

Bonne nouvelle: en 2012, «il y a de l'espoir qu'il y ait une reprise», a indiqué Mme Fornasier. Mais cela ne sera probablement pas suffisant pour que le prix du veau rattrape celui du chihuahua.