Le projet de loi sur les accommodements raisonnables dans l'administration publique (PL94), principale réponse du gouvernement Charest à la commission Bouchard-Taylor, semble relégué aux oubliettes.

Ce projet de loi contesté est à l'étape de l'étude détaillée, qui se fait à la commission parlementaire des Institutions. Mais la dernière séance remonte à septembre dernier, et aucune n'est prévue pour les prochaines semaines. Pourtant, cette commission n'est pas congestionnée par d'autres projets de loi.

«Ce n'est pas que ce n'est pas prévu: on attend de voir. On a le temps de regarder ça. Je n'abandonne pas», a justifié la ministre de l'Immigration du Québec, Kathleen Weil.

En clôture du caucus de présession, la semaine dernière à Victoriaville, le premier ministre Jean Charest a présenté les priorités législatives de son gouvernement. Il n'a pas glissé un seul mot sur le PL94.

Le PQ est «malsain» envers les musulmans, selon Weil

Mme Weil accuse le Parti québécois (PQ) de faire du «blocage». Après 30 heures d'étude, on est toujours à l'article 1, déplore-t-elle, pour justifier la pause.

Pourtant, dans le cas du projet de réforme de la Loi sur les mines, aussi «bloqué» par le PQ, le gouvernement fait exactement le contraire. Il multiplie les séances en commission afin d'adopter le projet le plus rapidement.

L'attitude du PQ envers les musulmans est «malsaine», accuse la ministre Weil. «Je ne sais pas si vous avez déjà entendu ce que [Carole Poirier, critique du PQ en matière de laïcité] dit en commission parlementaire sur les musulmans... Il y a quelque chose d'un peu malsain dans ce que le PQ dit publiquement. Moi, ça me met mal à l'aise», a-t-elle affirmé hier à La Presse.

Elle a ajouté: «Si on va sur l'égalité homme-femme, je suis d'accord. Mais de vouloir généraliser sur des communautés d'immigrants, c'est là que ça devient délicat.»

Le PQ propose d'adopter une Charte sur la laïcité. Une solution «radicale» qui nécessite le recours à la clause dérogatoire, croit Mme Weil.

Un projet de loi critiqué

Le projet de loi 94 s'est attiré plusieurs critiques. Certains jugent qu'il cible les musulmanes. D'autres critiquent sa laïcité ouverte, pas assez contraignante.

> «Vague», «mal rédigé» et «inutile», dit l'Association des libertés civiles du Canada.

> Il cible «indirectement» les musulmanes et aura des «effets pervers dommageables», selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

> «Si on oblige les fonctionnaires à travailler le visage découvert, ce n'est pas pour protéger la laïcité... C'est donc un projet de loi limité et très timide», dit Guy Rocher, sociologue et cofondateur des Intellectuels pour la laïcité.

Le PL94?

La portée du projet de loi 94 est restreinte. Il s'adresse aux employés de l'administration gouvernementale (y compris dans les écoles et les hôpitaux) et à ceux qui y reçoivent des services. Tous doivent avoir le visage découvert. Sans le nommer, on interdit le voile intégral (burqa ou niqab). Mais on autorise le hidjab, la kippa et le crucifix. Cette interdiction n'est pas faite au nom de la laïcité. Le concept n'apparaît pas dans les 10 articles du projet de loi. On y rappelle toutefois l'égalité homme-femme et la neutralité de l'État, qui «ne favorise ni ne défavorise» aucune religion. Les accommodements sont autorisés, à condition de ne pas menacer la sécurité ou de ne pas nuire à la communication.