Entre 2001 et 2010, la GRC a mené au moins 106 enquêtes contre-terroristes au Canada, dont 4 au Québec. Certaines sont toujours en cours. Quant au SCRS, il a à l'oeil près de 200 individus, toutes idéologies confondues, dont plusieurs « sujets d'intérêt » de la mouvance islamiste radicale en banlieue sud de Montréal.

La Presse a obtenu, grâce à la Loi sur l'accès à l'information, une liste d'enquêtes «liées au terrorisme ou à des terroristes» ouvertes par la GRC entre le 1er janvier 2001 et le 27 août 2010, classées par région, avec leur nom de code et les coûts qu'elles ont entraînés.

Quatre enquêtes sont liées au Québec: Calor, Colonial, Charitable et... Chimique!

Mais les données fournies sont en deçà de la réalité, car elles ne concernent que les dossiers qui peuvent être rendus publics.

Les deux enquêtes les plus coûteuses à ce jour demeurent les projets Awaken (2,4 millions de dollars) et Osage (2,3 millions). Awaken a mené à l'arrestation et à la condamnation à 10 ans de prison, en vertu de la nouvelle loi antiterroriste, de l'informaticien Momin Khawaja. Khawaja était en relation avec un groupe terroriste de Londres pour lequel il avait fabriqué un détonateur baptisé par ses soins «hifidigimonster».

Osage concerne le démantèlement du groupe terroriste islamiste des «18 de Toronto» en juin 2006.

En revanche, impossible d'en savoir plus sur la nature de ces enquêtes et le type de terrorisme. Mais il faut se souvenir que, par exemple, la GRC à Montréal a enquêté sur une fondation montréalaise liée aux Tigres tamouls, groupe paramilitaire sri lankais. Il y a aussi les attentats contre le centre de recrutement de l'armée à Trois-Rivières ou la Banque Royale à Ottawa.

Selon Michel Juneau-Katsuya, spécialiste en sécurité et ex-chef de bureau au SCRS, ces enquêtes rappellent que les islamistes radicaux n'ont pas le monopole de la violence. On aurait tort, dit-il, de négliger la menace anarchiste, environnementaliste ou celle des défenseurs des animaux qui pourraient viser les sociétés pharmaceutiques au Québec, ou les laboratoires universitaires, qui mènent des expérimentations animales. Il cite aussi la menace d'extrême droite: «Aux États-Unis, le nombre de groupuscules néo-nazis a bondi à plus de 540 depuis l'élection d'Obama.»

L'après-Ben Laden

Certaines enquêtes antiterroristes sont enclenchées par la GRC à la suite d'informations reçues de services étrangers ou du Service canadien du renseignement de sécurité. Le SCRS a confirmé à La Presse avoir actuellement près de

200 individus sur son radar.

Lorsque ses craintes sont suffisamment fondées, le SCRS transmet les renseignements collectés à la GRC chargée de bâtir la preuve «criminelle». Si toutes ces enquêtes n'ont pas abouti à un processus judiciaire, parce qu'elles sont non fondées ou faute de preuve hors de tout doute raisonnable, les chiffres divulgués à La Presse démontrent que les services policiers et du renseignement canadien ne chôment pas.

«Un certain nombre d'individus ont été condamnés ces dernières années, dont des membres des 18 de Toronto et Momin Khawaja, ce qui démontre très clairement que la menace n'est pas isolée et qu'elle est réelle, rappelle Josie Abou-Eid, la porte-parole du service de renseignements. La mort d'Oussama ben Laden a porté un coup au terrorisme, mais n'y mettra pas un terme.»

«Nous ne devons pas sous-estimer la résilience d'Al-Qaïda», avertit le ministère de l'Intérieur du Royaume-Uni dans un récent rapport.

La montée en puissance des groupes Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui a fomenté plusieurs attentats visant les États-Unis ces derniers mois, et surtout d'«Al-Qaïda au Maghreb islamique» (AQMI), qui a enlevé plusieurs Occidentaux contre rançon, dont deux Canadiens, pour financer ses opérations et acquérir du matériel de haute technologie, est aussi source d'inquiétude pour les services occidentaux.

- Avec William Leclerc