La construction du futur amphithéâtre à Québec et le retour de la LNH reposent sur l'association J'ai ma place et sa fondation du même nom, instigateurs du projet. Cette fondation compte recueillir 15 millions de dollars en dons pour financer la construction de cet édifice, qui sera exploité ensuite par une entreprise privée. Or, même si le fédéral a refusé de contribuer directement au projet, ce sont tous les contribuables canadiens qui mettront la main dans leur poche, puisque les dons sont déductibles des revenus aux fins de l'impôt.

J'ai ma place est enregistrée auprès du fédéral comme fondation publique depuis le 15 octobre 2009. «Absurde et complètement aberrant!», commente Denis de Belleval, ancien ministre péquiste et ex-DG de la Ville de Québec, qui vient de présenter une requête afin de contester la légalité de l'entente signée entre Quebecor et la Ville de Québec.

«C'est une chose qui vient aggraver le cas de l'ensemble. Les contribuables vont payer jusqu'à trois fois le Colisée, note le député de Québec solidaire, Amir Khadir. Une fois à cause de la subvention du gouvernement Charest, une fois pour les crédits d'impôt de J'ai ma place et une fois encore, s'ils habitent Québec, pour les 187 millions de M. Labeaume.»

Mario Bédard, président de J'ai ma place, explique qu'il s'est inspiré de ce qui se fait dans le cas des musées et des hôpitaux, auxquels la population fournit un «apport moral et financier» par le truchement d'une fondation. «Financer le Colisée, c'est la même chose que financer le Musée des beaux-arts, dit-il. Et moi, j'aime mieux aller voir un show de U2 qu'une exposition de Riopelle. Faites un sondage à Québec et vous verrez.»

«Rien de communautaire»

Cette fondation publique s'est appuyée sur le critère du «bénéfice à la communauté et autre» (par exemple, «prévenir et soulager la maladie et le handicap» ou «offrir certaines commodités publiques pour le bienfait de la communauté») pour obtenir son statut d'organisme de bienfaisance, explique-t-on à Revenu Canada.

Pourtant, selon la proposition de Quebecor, le conglomérat médiatique ne s'engage, si une équipe de la LNH y élit domicile, à «rendre l'amphithéâtre disponible à des événements bénéficiant à la communauté» que pour un «maximum de 30 jours par an», et encore, «sous réserve des disponibilités».

«C'est un équipement qui n'a rien de communautaire au moins 11 mois sur 12, conclut Denis de Belleval. Si l'on ajoute le fait que Quebecor ne paiera pas d'impôt foncier, pourquoi accorder un traitement fiscal favorable à une entreprise commerciale?»

«C'est un bien qui va appartenir à la Ville, donc à la communauté, réplique Mario Bédard. Tous les contribuables vont pouvoir l'utiliser.»

«D'un point de vue éthique, c'est très douteux, et cela renforce l'aspect inacceptable du projet», estime Amir Khadir. Celui-ci constate aussi avec indignation le nombre de «petits organismes de bienfaisance réelle oeuvrant auprès de la communauté qui se battent en vain depuis des années pour obtenir le statut d'organisme de charité et qui ne réussissent pas».

Un des autres critères pour se qualifier comme organisme de bienfaisance est l'intérêt public. «Un organisme qui souhaite limiter ses bénéficiaires de manière déraisonnable, ou encore offrir un avantage déraisonnable à un groupe ou à un particulier ne sera pas admissible à l'obtention d'un enregistrement», prévient Revenu Canada sur son site.

Le coût de la construction de l'amphithéâtre est estimé à environ 400 millions de dollars. La Ville de Québec s'est engagée à verser environ 187 millions, et le gouvernement provincial, 50% du coût total jusqu'à concurrence de 200 millions. J'ai ma place reversera entre 13 et 40 millions à la Ville de Québec. Cette somme proviendra soit de l'achat de sièges ou de places dans les loges (25 millions), soit de dons à la fondation (15 millions). En plus d'obtenir un reçu pour don de charité, chaque donateur à la fondation J'ai ma place aura son nom gravé dans le verre de l'enveloppe du futur Colisée.

En date du 1er juin, la fondation a recueilli la somme de 540 425$, dont 250 000$ de Desjardins.