Un projet de loi visant à encadrer l'offre de crédit doit être adopté, croit le ministre Jean-Marc Fournier, qui fait d'ailleurs ces temps-ci une tournée des banques, des associations de détaillants et des groupes de consommateurs pour les sonder et les y préparer.

«Ni les détaillants ni les banques n'ont intérêt à ce qu'il y ait un choc financier», fait observer, dans une entrevue avec La Presse, Jean-Marc Fournier, ministre de la Justice et ministre responsable de l'Office de la protection du consommateur.

Tout comme la Banque du Canada, qui vient de lancer un nouvel appel à la prudence, Jean-Marc Fournier se montre inquiet de l'endettement des citoyens, particulièrement dans la perspective d'une hausse prochaine des taux d'intérêt. A priori, dit M. Fournier, on pourrait penser que les gens sont très capables de gérer leurs affaires eux-mêmes et que l'État n'a pas à s'en mêler. Mais l'État est d'autant plus fondé à intervenir que, autrement, «ce sont les prêteurs» qui le font et qui risquent d'occuper beaucoup de place dans la vie de gens en pleine spirale de l'endettement.

Il reste que les banques relèvent de la compétence du fédéral. Le ministre Fournier est parfaitement conscient de cela, ne serait-ce que parce qu'il s'est «fait servir cet argument 45 fois» par les institutions quand il est allé rencontrer leurs dirigeants!

N'empêche, il estime que le Québec a bel et bien une marge de manoeuvre. «Le Québec a compétence sur les contrats civils», fait-il observer sans s'étendre davantage.

Les pistes de solution ne sont pas encore arrêtées. Pour l'instant, M. Fournier se dit particulièrement interpellé par tous les programmes de primes à la consommation comme Aéroplan ou Air Miles, de même que par le maigre paiement minimal exigé par des émetteurs de cartes de crédit. Le problème, rappelle M. Fournier, c'est qu'un paiement minimal aussi faible, avec les taux en vigueur, fait en sorte que «vous mettez 80 ans à rembourser une facture de 10 000$ et les intérêts vous coûtent 50 000$».

À la lecture de ces propos, suggère-t-on au ministre Fournier, les gens de type «fourmi» risquent d'être nombreux à se dire que ce qui les menace, ce n'est pas tant les cartes de crédit que la hausse de la TVQ et de la taxe sur l'essence, celle des primes de l'assurance médicaments, de l'assurance parentale et de l'assurance emploi, celle des droits d'immatriculation, etc.

À cela, le ministre rétorque que ce n'est pas la même chose, dans la mesure où ces hausses sont largement diffusées dans les médias, qu'elles sont annoncées longtemps à l'avance et qu'elles sont autrement plus graduelles que ce qui attend le consommateur qui a omis de lire «les petits caractères» et qui, «après un congé de paiement, se retrouve à payer 21% d'intérêt parce qu'il a manqué un versement».

«L'effet de choc, dit-il, est loin d'être du même ordre.»

Cela dit, le ministre Fournier se montre pleinement conscient du fait que les gens peuvent être surpris de tous ces signaux d'alarme émanant des gouvernements et de la Banque du Canada (sans compter ceux du Surintendant des faillites) alors que, il y a un an à peine, on encourageait les Canadiens à dépenser pour mieux soutenir la croissance économique.

Va pour la consommation, rappelle le ministre Fournier, «mais une consommation adaptée aux moyens de chacun et non une consommation débridée qui peut créer une bulle».