Le prix de la noirceur a été décerné à Stephen Harper lors d'un congrès réunissant, en fin de semaine à Montréal, quelque 600 journalistes québécois.

C'est pour «l'ensemble de son oeuvre» que le premier ministre canadien a été récompensé, a indiqué Brian Myles, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

Entre autres choses que les journalistes reprochent à M. Harper se trouvent les demandes d'accès à l'information interceptées par l'appareil politique, les questions auxquelles le gouvernement Harper refuse de répondre en conférence de presse - comme en Gaspésie récemment, sur quelque enjeu local que ce soit - et le bâillon qui muselle les fonctionnaires fédéraux.

Le finaliste au prix de la Noirceur était Jean Tremblay, maire de Saguenay, qui a notamment décidé de boycotter la salle de nouvelles de Radio-Canada.

Les journalistes ont aussi réfléchi à la pertinence de se doter d'un statut professionnel afin de mieux se dissocier, dans l'oeil du public, des communicateurs de type «radio-poubelle».

Dominique Payette, journaliste et professeure de l'Université Laval que le gouvernement du Québec a mandatée pour présider un groupe de travail sur l'avenir de l'information, a fermement plaidé en faveur d'un tel statut professionnel, lequel devrait, à son avis, être assorti de récompenses ou de sanctions économiques (sous forme d'aide gouvernementale à distribuer ou à retirer, par exemple).

Quebecor au coeur des débats

Par ailleurs, la situation au Journal de Montréal s'est trouvée au coeur des débats pendant le congrès. Ce n'est cependant pas tant le fait que plus de 200 lock-outés soient toujours à la rue qui a retenu l'attention, mais plutôt l'orientation jugée idéologique de ce quotidien actuellement rédigé par les cadres.

La FPJQ avait en effet mis à l'ordre du jour un atelier intitulé L'éléphant dans la pièce: «Si Quebecor décidait de se mettre au service d'une cause politique ou idéologique, qui pourrait l'en empêcher?» demandait-on dans la documentation écrite de l'atelier.

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec a dû peiner pour trouver des journalistes prêts à témoigner à l'heure où Pierre Karl Péladeau poursuit Sylvain Lafrance, vice-président des services français de Radio-Canada, qui l'a traité de voyou.

Au micro, Paule Beaugrand-Champagne, qui a travaillé dans divers médias, notamment au Journal de Montréal, a d'ailleurs suggéré que soit créé un fonds de soutien juridique pour défendre les «Pierre-Jean-Jacques qui risquent de se faire poursuivre en brisant l'omerta» et qui «n'auraient pas les moyens de Sylvain (Lafrance)».

David Patry, journaliste culturel lock-outé du Journal de Montréal et reporter de Rue Frontenac, a accepté d'aller au micro. Le danger, a dit celui qui écrivait pour un quotidien appartenant à un groupe qui met entre autres en ondes les émissions Le banquier et Occupation double, ce n'est plus seulement la convergence commerciale, mais aussi «la convergence idéologique».

M. Patry a raconté comment il lui est arrivé que ses textes lui soient dictés par ses supérieurs.

Après avoir refusé de répondre à des «commandes» et «autres jobs de bras» contre des ennemis de Quebecor, M. Patry a raconté que ses collègues lui ont donné un conseil: faire semblant. Devant une assignation qu'il jugeait déplacée, on lui a conseillé de faire semblant de faire appels téléphoniques et recherche, pour finalement dire à ses supérieurs qu'il n'avait malheureusement pas réussi à joindre d'interlocuteurs.

En fin de congrès, les journalistes ont voté à l'unanimité une résolution permettant à leur fédération, en cas d'échec de la médiation dans le conflit de travail au Journal, de demander une commission parlementaire sur le conflit mais aussi sur la façon dont la convergence a pu y contribuer.

Appelé à réagir, Serge Sasseville, porte-parole de Quebecor, a dit que tout cela n'était «que de la propagande syndicale à laquelle il ne faut accorder aucune crédibilité. Les journalistes du Journal de Montréal ont toujours profité d'une très grande liberté rédactionnelle».