Des Clubs Compassion de Montréal sont engagés dans une nouvelle bataille constitutionnelle. La Presse a appris que 4 des quelque 38 personnes arrêtées lors de raids policiers de juin 2010 ont demandé aux tribunaux d'invalider des dispositions de la loi sur les drogues et le règlement sur la marijuana médicale.

Marc-Boris St-Maurice et Charles Michael McKenzie, qui géraient le Centre Compassion du boulevard Saint-Laurent à Montréal, ont déposé à la Cour supérieure en janvier un «Avis d'intention de soulever l'inconstitutionnalité» du règlement fédéral sur la marijuana médicale et de certaines dispositions la Loi règlementant certaines drogues et autres substances.

Ces procédures s'ajoutent à celles déposées quelques semaines plus tôt par deux administratrices d'un autre groupe, le Club Compassion de la rue Papineau. Marianita Hamel et Geneviève Simon-Potvin affirment elles aussi que ces règles sont contraires à la Charte canadienne des droits et libertés, et demandent qu'elles soient déclarées inconstitutionnelles.

«Le Programme d'accès à la marijuana à des fins médicales ne remplit pas sa mission tant les démarches d'obtention de l'exemption sont laborieuses, et donc que les malades n'ont pas accès à leur médication, les privant ainsi de leur droit à la vie, la sécurité et la liberté», peut-on lire dans la requête de Mmes Hamel et Simon-Potvin.

«En privant les malades de centres de distribution de cannabis à des fins médicales, se trouvent violés leur droit à la vie, la sécurité et la liberté, en contravention aux principes de justice fondamentale, ainsi que leur droit à l'égalité.»

Le gouvernement fédéral est intervenu dans le dossier depuis le dépôt de ces avis, dont le volet constitutionnel risque d'être regroupé en un seul dossier. On peut s'attendre à ce que ces procédures durent plusieurs années.

Une quinzaine de plaidoyers

Le 3 juin 2010, les forces policières ont arrêté près d'une quarantaine de personnes dans quatre Clubs Compassion de Montréal et un de Québec. Les accusations déposées incluaient la possession et le trafic de cannabis. À l'époque, les gens de l'industrie avaient accusé les pratiques trop permissives du centre Culture 420, à Lachine, d'avoir attiré l'oeil des policiers.

Près de trois ans après la rafle, une quinzaine de personnes ont plaidé coupable et ont reçu une absolution assortie d'un don de charité. En tout, une vingtaine d'accusés restent dans l'engrenage judiciaire, dont les quatre coaccusés du centre de Québec.

Les dispensaires ou Clubs Compassion distribuent du cannabis thérapeutique à des personnes atteintes de divers troubles de santé. En règle générale, ils exigent une note du médecin qui recommande ce moyen de traitement.

La pratique n'est pas légale au Canada, mais elle est souvent tolérée par la police ou les gouvernements. Il arrive que des perquisitions soient tout de même menées, comme celles de 2010. Auxquels cas, il n'est pas rare de voir la constitutionnalité des règles sur la marijuana contestée.

C'est d'ailleurs ce que l'un des accusés, Marc-Boris St-Maurice, a fait au début des années 2000. Le fondateur du Bloc Pot et du Parti marijuana s'était fait accuser avec un collègue de possession et de trafic de marijuana, en lien avec les opérations du même Club.

Le juge Gilles Cadieux, de la Cour supérieure, avait tranché que l'absence de source légale d'approvisionnement en marijuana brimait certains droits constitutionnels. Mais il avait préféré ordonner un arrêt des procédures plutôt que d'invalider les règles en vigueur.

À noter que ces nouvelles procédures en inconstitutionnalités s'appliquent au règlement tel qu'il était en vigueur lors des arrestations. Ottawa prévoit adopter un nouveau règlement sur la marijuana médicale ce printemps. La distribution de cannabis dans des Clubs Compassion ou les dispensaires devrait toutefois demeurer interdite en vertu des nouvelles règles.