Même si Québec construit les quatre centres de détention qu'il a promis de bâtir, le problème de surpopulation carcérale apporté par la Loi sur la sécurité des rues et des communautés (ancien projet de loi fédéral C-10) resterait entier, a indiqué lundi le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron.

Le centre de détention de Roberval est déjà en construction et d'autres prisons à Amos, Sorel-Tracy et Sept-Îles sont «en processus». Mais ces quatre établissements «n'ajouteront pas beaucoup de places, parce qu'ils remplacent des installations vétustes. On parle d'à peine quelques places», a expliqué M. Bergeron à la commission parlementaire chargée d'étudier les crédits budgétaires du ministère de la Sécurité publique.

Selon les informations réunies par La Presse, le Conseil du Trésor met la dernière main à l'échéancier de nombreux projets d'immobilisation. Plusieurs projets annoncés par le gouvernement Charest n'avaient pas été budgétés. Pour ceux qui l'ont été, on appliquera une coupe globale de 15%. Ainsi, on compte dépenser 8,5 milliards par année plutôt que 10 milliards. Rien ne sera annulé, mais certains projets seront remis à plus tard.

La Loi fait aussi des heureux

La nouvelle loi fédérale entraînera pour le Québec des dépenses d'immobilisation de 700 millions et des frais d'exploitation pouvant atteindre 80 millions par année - «des frais considérables pour lesquels les Québécois n'ont pas eu leur mot à dire», a déclaré le ministre Bergeron.

L'ex-policier Robert Poëti, critique libéral en matière de sécurité publique, a pris une distance surprenante par rapport à la position de son parti, qui a toujours désapprouvé le projet de loi C-10. «Merci, M. Harper, et les policiers qui sont ici sont probablement bien contents de C-10», a affirmé M. Poëti, ancien porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ). «C-10, il faut se rappeler, c'est la loi de la protection des enfants contre les prédateurs sexuels, c'est assez important! C'est la loi sanctionnant le crime organisé en matière de drogue. C'est la loi sur la protection du public contre les jeunes contrevenants violents», a ajouté M. Poëti.

Selon le ministre Bergeron, les troubles récents aux prisons de Saint-Jérôme et de Gatineau (Hull) n'ont pas été «causés par la surpopulation des prisons». À Saint-Jérôme, dans l'aile où les prisonniers ont fait du vandalisme et allumé des feux, on comptait 12 détenus pour 13 cellules. À Gatineau, dans l'aile touchée, chaque détenu avait sa propre cellule.

Mais le ministre convient que les tensions existent. «La promiscuité est telle que cela amène des problématiques dans les relations entre détenus et dans leurs relations avec le personnel.»

On a par ailleurs fait un bilan des opérations du «printemps érable». La Ville de Montréal a, à la suite d'une entente, obtenu une enveloppe de 15 millions; d'autres municipalités ont fait des demandes, mais elles devront fournir des factures plus détaillées.

Pour l'année 2013-2014, le budget de la SQ sera réduit de 18 millions par rapport à l'année précédente, si on tient compte des sommes supplémentaires accordées au cours de l'année 2012-2013 par le Conseil du Trésor.

Au sujet de la contrebande de tabac, le ministre Bergeron croit que la hausse récente du prix des cigarettes, annoncée en novembre dans le budget, n'entraînera pas une résurgence des activités illicites. Malgré la hausse, le Québec reste l'endroit où les cigarettes sont les moins chères dans le Nord-Est américain, et les rafles des policiers dans les réserves des contrebandiers les ont incités à hausser leurs prix, ce qui rend le produit moins attirant.

«Il faut rester vigilant», a rappelé M. Bergeron. «Il faut assurer un équilibre, on n'a pas réduit les effectifs de la lutte contre la contrebande», a-t-il expliqué.

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Une signature pour toute dépense de plus de 5000$

À la suite des allégations qui ont mené, en décembre, à la suspension de deux dirigeants de la Sûreté du Québec (SQ), un encadrement plus étroit du «fonds d'opération spéciale» sera dorénavant mis de l'avant.

En commission parlementaire, le nouveau directeur général de la SQ, Mario Laprise, a expliqué que son approbation écrite serait désormais nécessaire pour toute dépense supérieure à 5000$.

Auparavant, l'autorisation d'un directeur général associé était nécessaire pour un décaissement supérieur à 200 000$.

Ce fonds doit servir à appuyer des enquêtes criminelles - par exemple, pour faciliter des transactions de stupéfiants afin d'arrêter des contrebandiers. Or, il aurait notamment servi à payer la prime de départ de Steven Chabot, l'un des adjoints de l'ex-directeur général Richard Deschênes. Le fonds aurait aussi permis de rétribuer un conseiller chargé de mener à bien les négociations avec le syndicat des policiers.