Les cigarettiers visés par deux recours collectifs totalisant 27 milliards de dollars ne pourront pas demander au gouvernement canadien de payer la facture s'ils perdent leur cause.

Dans une décision rendue hier par la Cour d'appel du Québec, le juge Clément Gascon a libéré de toute responsabilité le gouvernement fédéral, mis en cause par Imperial Tobacco, JTI-MacDonald et Rothmans, Benson & Hedges. Les fabricants de tabac avaient soutenu qu'Ottawa était en partie responsable des maladies engendrées par la consommation du tabac parce qu'il avait mal informé la population des dangers du tabagisme.

Joints par La Presse, les cigarettiers ont dit qu'il était trop tôt pour savoir s'ils demanderaient la permission d'en appeler à la Cour suprême.

Toutefois, le porte-parole d'Imperial Tobacco, Éric Gagnon, s'est dit très déçu du jugement déposé, allant jusqu'à qualifier le gouvernement canadien de «partenaire majeur» pour l'industrie du tabac.

«Le gouvernement du Canada a légalisé le tabac, l'a fortement réglementé et l'a taxé à hauteur de milliards de dollars chaque année. Il est stupéfiant de constater que ce dernier peut se dégager de ses responsabilités et laisser les producteurs de tabac porter tout le poids de ces allégations, alors qu'il se fait entièrement complice de tous les aspects de la fabrication et de la commercialisation des produits du tabac depuis des années», a écrit la compagnie dans un communiqué.

Me Douglas Mitchell, qui représente JTI-MacDonald, a expliqué que les trois compagnies devront prendre des décisions prochainement pour voir si elles poursuivront les démarches. Si c'est le cas, toutefois, il n'est toujours pas assuré que le plus haut tribunal du pays acceptera d'entendre la cause.

Les compagnies ont 60 jours pour interjeter appel du jugement de la Cour d'appel du Québec.

Réactions

Pour François Damphousse, directeur du bureau du Québec de l'Association pour les droits des non-fumeurs, l'argument des cigarettiers ne tient pas la route.

«Les fabricants de tabac contestent toutes les décisions de santé publique qu'ont prises les gouvernements. Après, ils veulent traîner le fédéral dans les recours collectifs qui les visent, en disant que c'était à eux de réagir et d'informer la population sur les dangers du tabagisme. C'est complètement farfelu comme technique», a dit M. Damphousse.

«Les compagnies de tabac tentent de se dégager de toute responsabilité. Elles ont eu un comportement frauduleux en ne révélant pas la vérité sur la dangerosité de leurs produits, mais aussi en induisant le public en erreur en faisant leurs propres recherches et en établissant leurs propres conclusions», a-t-il ajouté.

Quant à savoir si les compagnies de tabac peuvent demander à la Cour suprême d'entendre la cause, le directeur de l'Association pour les droits des non-fumeurs espère qu'elles accepteront le jugement rendu hier.

«Si elles veulent aller en Cour Suprême, la demande ne sera pas reçue. Le débat est clos. À moins qu'ils arrivent avec un argument complètement différent, une nouvelle approche, ce qui me surprendrait énormément», a-t-il dit.

Son de cloche similaire au Conseil québécois sur le tabac et la santé.

«Pour nous, c'est une bonne nouvelle. Le fait d'avoir le procureur général du Canada dans le dossier depuis 2008 a alourdi le processus. Maintenant, le procès pourra continuer», a expliqué le directeur général du Conseil, Mario Bujold.

Retour sur le procès en cours

Les cigarettiers sont actuellement visés par un recours collectif monstre, une première dans l'histoire du pays. Quelque 90 000 personnes victimes de maladies liées au tabagisme, comme le cancer du poumon, ainsi que 1 500 000 personnes qui se disent dépendantes au tabac, réclament 27 milliards de dollars en dommages aux compagnies de tabac.

Le procès, qui a débuté en février dernier, devrait durer deux ans.

Les cigarettiers commenceront à plaider l'hiver prochain.