Le procès catastrophique des cinq accusés du meurtre de Raymond Ellis continue de donner des cauchemars à ses principaux acteurs. Cette fois, c'est Me Louis Bouthillier, un des procureurs les plus respectés de la province, qui se retrouve devant le comité de discipline du Barreau pour avoir «tenté d'induire le tribunal en erreur».

Me Bouthillier représentait le ministère public dans ce procès. John Tshiamala, McLee Charles, Ernso Theobrun, Evens Belleville et Cleveland Alexander-Scott sont accusés d'avoir tué Raymond Ellis au bar Aria en 2005.

Les accusés seraient proches de gangs d'allégeance bleue et auraient pris Ellis, un jeune sans histoire, pour un rival rouge. Ils lui auraient sauté dessus à pieds joints et l'auraient même poignardé.

Les cinq ont eu leur procès à l'automne 2008.

Lors du témoignage de Wilkerno Dragon, un petit truand qui aurait été témoin du meurtre, mais qui a changé sa version des faits au procès, Me Bouthillier a notamment présenté au jury une lettre qui aurait pu démontrer que le témoin avait été acheté par les accusés, sans que soit débattue l'admissibilité de celle-ci.

Puis Me Bouthillier a demandé la suspension du procès pour quelques jours au motif qu'il voulait préparer l'interrogatoire de Dragon. Or, il comptait plutôt envoyer des agents doubles à la prison où était détenu Dragon pour lui soutirer des aveux sur les raisons de son changement de cap.

Quand le vrai motif de la suspension a été révélé, les avocats de la défense se sont déchaînés. Ils ont accusé Me Bouthillier d'avoir menti pour obtenir une suspension. La juge de la Cour supérieure Sophie Bourque leur a donné raison.

»Demi-vérité»

Me Bouthillier a rétorqué qu'il avait agi pour protéger la vie des agents doubles. Il a martelé qu'il n'avait pas menti, qu'il s'agissait plutôt d'une «demi-vérité» puisque l'enquête des agents doubles devait effectivement lui servir à préparer son interrogatoire.

Mais la juge a estimé l'inconduite si grave qu'elle a décrété l'arrêt complet du procès et libéré les cinq accusés. Un an plus tard, la Cour d'appel a ordonné la tenue d'un nouveau procès, avec un nouveau procureur, ce qu'a entériné la Cour suprême du Canada.

Mais entre-temps, une plainte a été portée contre Me Bouthillier au syndic du Barreau du Québec. Après enquête, ce dernier vient de signifier à Me Bouthillier que la plainte a été retenue et qu'il devra être jugé par ses pairs.

«Aucune date d'audition n'a encore été fixée, mais il y aura appel du rôle en décembre et cela devrait se faire à ce moment. Les détails quant aux motifs des accusations seront précisés après comparution», a expliqué la porte-parole du Barreau, Martine Meilleur.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a refusé de commenter l'affaire puisqu'elle est devant les tribunaux.