Sur Facebook, Jean-Claude Gallant pose fièrement derrière la portière ouverte d'une voiture de luxe. «J'vous l'avais dit!! J'ai eu ma BMWVisalus!!», a-t-il noté sur son mur, avant d'inviter ses amis à cliquer sur un lien pour avoir la leur. Première étape vers leur rêve: payer 500$ pour pouvoir vendre les produits amaigrissants Visalus. Deuxième étape: recruter un nombre suffisant de nouveaux vendeurs, qui devront, eux aussi, payer 500$.

D'après nos sources, ce n'est pas la première fois que le gourou propose à ses fidèles de participer à des systèmes de vente pyramidale controversés.

Il y a quelques années, c'était les bouquets d'interurbains ACN, puis les produits nettoyants Melaleuca, nous ont dit plusieurs déserteurs du Centre de croissance personnelle La Source. «Il fallait tous assister aux séances. J'y ai perdu quelques centaines de dollars», nous a dit l'un d'eux.

Visalus, ACN et Melaleuca ont mauvaise presse depuis plusieurs années. L'automne dernier, Visalus a fait l'objet d'une enquête peu flatteuse de l'émission La facture, à Radio-Canada. Quant à ACN et à Melaleuca, ils ont été critiqués par la revue Protégez-vous à l'automne 2009 pour leur «dérive sectaire».

Selon les reportages, ces produits sont vendus de façon pyramidale aux membres et seuls les abonnés au sommet de la pyramide finissent par faire de l'argent. «Gallant se met au top de la pyramide ou pas loin», assure un déserteur.

Pour Gallant, entouré de fidèles, faire du recrutement est sans doute plus facile que pour le commun des mortels. Aujourd'hui, au moins quatre adeptes de son centre de rebirth s'associent comme lui aux produits Visalus sur Facebook. Une photo montre trois d'entre elles en train d'en faire la promotion au Festi Jazz de Tremblant, en août dernier. Sur Facebook, l'une de ces jeunes femmes le félicite et ajoute: «Moi aussi, je travaille pour l'avoir, ma belle BMW Visalus.» Et au petit resto du groupe, le Café 4 sucres, à Prévost, un énorme panneau Visalus est affiché sur la vitrine.

Plusieurs adeptes se sont rendus loin dans la démarche. En novembre 2007, certains ont même voyagé jusqu'à Baltimore, aux États-Unis, pour des séances de motivation sur les produits ACN. Ils racontent avoir perdu de l'argent.

Questionné à ce sujet, Jean-Claude Gallant dit ne pas voir de problème dans ce «marketing relationnel», qui existe «depuis 25, 30 ans». Il soutient également n'avoir jamais entendu dire que ces méthodes pouvaient présenter des dérives sectaires.

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Que fait la police?

Après leur fuite, d'anciens adeptes du rebirth ont informé la police de Montréal et la Sûreté du Québec des agissements de Jean-Claude Gallant.

Plusieurs mois plus tard, ce dernier continue de recruter de nouveaux membres, sans avoir été arrêté. Et la majorité des anciens adeptes n'a toujours pas été interrogée à son sujet.

«Quand j'ai porté plainte, les policiers n'en revenaient pas. Mais ils ne savaient pas quoi faire, parce que ce n'est pas comme si j'avais été attachée, violée, ou forcée de faire des chèques», rapporte une ancienne fidèle.

La situation lui rappelle celle de cette jeune femme, morte à la suite d'un exercice de sudation extrême après avoir versé des milliers de dollars à un autre groupe d'épanouissement personnel. «La femme qui le dirige a continué après. Ces gens sont libres de faire ce qu'ils veulent, c'est terrible!»

En août dernier, un an après les événements (et après leur récit pétrifiant à Radio-Canada), Québec a enfin déposé des accusations de négligence criminelle contre Gabrielle Fréchette. Mais lorsqu'un groupe n'est pas associé à une mort, les poursuites sont presque impossibles.

Choquée par les meurtres et suicides organisés par l'Ordre du temple solaire, la France est plus féroce. Depuis 2001, une loi (About-Picard) punit l'exercice de «pressions réitérées» ou l'emploi de «techniques propres à altérer le jugement» d'une «personne en état de sujétion psychologique». Lorsque l'infraction est commise par le dirigeant d'un groupe, celui-ci risque cinq ans de prison. Un service d'enquête spécialisé assiste les procureurs.

En dix ans, cinq gourous ont déjà été condamnés, et des dizaines de causes sont en cour d'instance. Parmi les condamnés, on compte Robert Lê Dinh, dit Tang, qui a eu des relations sexuelles avec plusieurs fidèles, dont l'une a été sa maîtresse pendant 22 ans. En 2010, le jury a reconnu que les victimes du gourou étaient sous son emprise mentale; elles n'étaient donc pas libres. Cela a permis de le condamner à 15 ans de prison pour viol.