L'escouade Marteau a de nouveau frappé, hier. Cette fois, les enquêteurs de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) se sont rendus jusqu'au coeur de l'administration de Laval, de l'hôtel de ville au domicile du maire Gilles Vaillancourt.

Vers 16h, 70 policiers de la Sûreté du Québec (SQ), dont des membres du module technologique, ont fait irruption à quatre adresses de l'île Jésus. À bord de quatre voitures de police et d'un petit autobus, les agents se sont présentés à l'hôtel de ville de Laval. «Police, SQ, tout le monde sort!», ont lancé les agents afin de faire évacuer l'édifice.

«Tout le monde est surpris par ce qui se passe. Tout le monde a été évacué», a indiqué Johanne Bournival. Cette attachée de presse du maire se trouvait à l'intérieur du bâtiment quand les policiers ont fait leur entrée. Ils en sont sortis un peu avant 19h, des boîtes en carton dans les mains.

Une perquisition a eu lieu simultanément dans un autre édifice municipal, situé non loin sur le boulevard Chomedey. Il s'agit d'un bâtiment administratif où l'essentiel des services aux citoyens est offert. Mais ce seraient surtout les locaux du service du génie et les serveurs informatiques du service des finances qui intéressaient les enquêteurs de l'UPAC.

Pendant ce temps, d'autres policiers de la SQ se sont présentés à la résidence du maire Vaillancourt, à vendre,  rue Croissant des Îles. «Avec tout ce qu'on entend, ça ne nous a pas surpris de voir les voitures de police arriver. On savait que le maire habitait là. Mais jusqu'à preuve du contraire, il n'est pas coupable», a commenté un voisin, Raymond Paquette. D'autres voisins ont souligné que le maire n'habiterait plus cette résidence depuis plusieurs semaines.

Lors des perquisitions, M. Vaillancourt n'était ni à son domicile ni à l'hôtel de ville, selon son attachée de presse. Mme Bournival a affirmé que, dans le cadre de son travail, Gilles Vaillancourt devait visiter le quartier Saint-Bruno, nouvel ensemble résidentiel au nord de Vimont. «Il ne se cache pas», a assuré Mme Bournival.

Le maire Vaillancourt ne s'attendait simplement pas à faire l'objet de perquisitions, selon son attachée de presse. «C'est une surprise pour lui. Il a toujours dit qu'il collaborerait, mais il s'attendait à un avis de convocation ou à un appel téléphonique. Pas à ce que la police débarque comme ça.»

Selon nos sources, ces perquisitions ont lieu dans le cadre d'une vaste enquête sur le processus d'attribution des contrats. Aucune arrestation n'est prévue. La SQ aurait décidé de procéder à ces perquisitions en raison de l'immunité conférée aux témoins qui comparaissent devant la commission Charbonneau.

La Sûreté du Québec mène ces perquisitions sans l'assistance des policiers lavallois. Lorsque La Presse l'a joint, le Service de police de Laval a même semblé surpris d'apprendre que des dizaines de policiers du corps provincial avaient investi plusieurs bâtiments de sa ville.

On chercherait des preuves «de transfert massif d'argent» vers un pays comme la Suisse, selon ce que le journaliste Alain Gravel a dit sur les ondes de Radio-Canada.

Pas une surprise

Comme les rumeurs se multiplient sur les enquêtes policières à Laval, plusieurs s'attendaient à voir les enquêteurs de l'UPAC intervenir tôt ou tard. Devant les bureaux municipaux du boulevard Chomedey, des employés regardaient l'opération avec satisfaction. «Il y a de la magouille partout, ici. Ce qui se passe n'est pas surprenant du tout», a dit un employé du service de l'évaluation, qui a préféré taire son nom de peur de perdre son emploi. «Ce sont toujours les mêmes entrepreneurs qui travaillent pour la Ville», a ajouté un de ses collègues.

«Il était temps, s'est réjoui Robert Bordeleau, l'un des opposants de longue date du maire Vaillancourt. Ça fait sept ans que je le demande, ça fait sept ans que j'ai fondé un parti, et j'attends depuis ce temps. J'ai envoyé des tonnes de lettres aux ministres de la Justice et des Affaires municipales. Alors maintenant, je suis très content de voir débarquer la Sûreté du Québec.»

Selon lui, les policiers cherchent notamment à se renseigner sur des contrats décrochés par le cabinet d'avocats Dunton Rainville, qui a obtenu plusieurs mandats lors d'appels d'offres où il était seul soumissionnaire. M. Bordeleau soupçonne l'administration Vaillancourt d'avoir joué avec les exigences pour que seul Dunton Rainville soit apte à répondre aux appels d'offres. Il affirme être en communication étroite avec l'escouade Marteau et réclame la démission du maire Vaillancourt.

«Nous sommes soulagés, a également dit David De Dotis, du Mouvement lavallois. Le maire doit démissionner maintenant. Si c'est pour une question d'argent, il doit rembourser avec intérêt. Et si c'est criminel, il doit aller en prison.»

Allégations récurrentes

Maire de Laval depuis 1989, Gilles Vaillancourt a fréquemment été éclaboussé par des allégations diverses. Lors de la reprise, cet automne, des audiences de la Commission d'enquête sur l'octroi des contrats dans le milieu de la construction, la commissaire France Charbonneau avait déclaré que des témoins viendraient démontrer comment des entreprises «se sont réparti des contrats, de quelle façon des fonctionnaires de la Ville auraient été soudoyés et comment une partie de l'argent aurait été recueillie pour des partis politiques municipaux».

«Certains nous parleront d'élus de certaines villes, notamment Laval et Montréal», avait-elle laissé entendre.

- Avec Fabrice de Pierrebourg, Karim Benessaieh, Gabrielle Duchaine, Janie Gosselin, Hugo Pilon-Larose et Tristan Peloquin