Fanny Moreau est formelle: son conjoint, Idelson Guerrier, accusé de tentative de meurtre sur une patiente de l'hôpital Notre-Dame et soupçonné d'en avoir tué deux autres, était en psychose et n'a pas la moindre conscience des gestes qu'on lui impute.

Idelson Guerrier devait retourner en cour ce matin après une évaluation psychiatrique d'un mois à l'Institut Philippe-Pinel.

Le résidant de Joliette, âgé de 31 ans et père de deux fillettes de 8 et 18 mois, avait été admis en psychiatrie le 13 juin, selon Mme Moreau.

«Nous étions chez sa mère, à Montréal-Nord. Il avait depuis un certain temps un comportement bizarre. Il devenait paranoïaque. Il fermait les rideaux, disait que les autres lui voulaient du mal. C'était rendu qu'il croyait que je lui faisais croire des choses. On a fini par appeler la police, qui est venue avec les ambulanciers. Ils ont choisi de l'emmener à Notre-Dame, il a consenti», a-t-elle raconté à La Presse.

La jeune mère, désormais seule au foyer avec ses petites filles, craignait surtout qu'il ne soit dangereux pour lui-même. Mais elle faisait confiance au personnel du service de psychiatrie.

«Le premier département où il était, il y avait six patients. Je trouve que c'était simple à surveiller. C'est la seule chose que le personnel a à faire, là! Et c'est le travail des professionnels de la santé de trouver ce dont il souffre, et où l'envoyer s'il peut être dangereux», affirme la jeune femme, amère.

Elle connaît son conjoint depuis longtemps. Pour elle, «c'est un gars bien ordinaire, qui est tombé malade».

Sombre histoire

Toute cette histoire a été mise au jour lorsque Iolanda Bertocchi, hospitalisée au service de psychiatrie de l'hôpital Notre-Dame, affilié au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), a affirmé au personnel soignant que M. Guerrier avait tenté de l'étouffer dans sa chambre.

Les enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont estimé avoir amassé assez de preuves pour accuser M. Guerrier de tentative de meurtre. Il a été accusé dès le lendemain, puis transféré à l'Institut Philippe-Pinel pour évaluation. Cette évaluation ne déterminera pas s'il était aux prises avec un trouble mental au moment du crime, mais s'il est en mesure de comprendre le processus judiciaire qui s'amorce.

L'agression de Mme Bertocchi a aussi amené les autorités du CHUM à se questionner sur la mort de deux autres patients de l'unité de psychiatrie, les 16 et 22 juin - des décès qui avaient été classés comme mystérieux, mais naturels.

Idelson Guerrier est le principal suspect relativement à ces deux morts, mais il n'est accusé d'aucun meurtre pour l'instant. Le SPVM poursuit son enquête. Les enquêteurs ont demandé des expertises supplémentaires sur les corps des deux victimes et attendent de connaître le verdict de l'Institut Pinel quant à l'état mental de l'accusé pour l'interroger.

Pas un homme violent

Selon Fanny Moreau, Idelson Guerrier n'était pas un homme violent. «On était venu vivre à Joliette parce qu'il voulait habiter un endroit calme. Il n'a jamais été violent avec moi ou les enfants», assure-t-elle.

Il a toutefois un petit casier judiciaire en matière de violence et de menaces. «Des petites batailles de gars quand il était jeune», précise Mme Moreau.

Une autre cause le concernant était en cours: agression et conduite dangereuse pour avoir foncé, en février dernier, sur la voiture d'un collègue de l'usine Olymel de Saint-Esprit. «Le gars le narguait depuis six mois. Mais c'est aussi à cette période qu'Idelson a commencé à aller moins bien. En temps normal, il n'aurait jamais réagi comme ça», croit-elle.

C'est dans les mois qui ont suivi qu'il s'est mis à devenir paranoïaque.

Depuis qu'il est à l'Institut Pinel, Idelson Guerrier téléphone à sa conjointe et à ses filles «trois fois par jour».

«Au sujet de l'agression de la dame, il ne se souvient de rien. Il était en psychose. Il sait qu'il est accusé, qu'il ira en cour, mais il n'a aucun souvenir. Il ne sait rien au sujet des deux personnes décédées. On ne le lui a pas encore dit», explique Mme Moreau.

L'avocat de M. Guerrier, Me François Bérichon, a indiqué dans les jours qui ont suivi la mise en accusation de son client que si celui-ci a vraiment tué quelqu'un, «il ne le sait pas».

«Il y avait d'autres personnes qui pouvaient circuler dans ce département de psychiatrie. N'importe qui pourrait les avoir tuées. J'espère que ce n'est pas lui», conclut sa conjointe, qui prévoit assister à la comparution de M. Guerrier aujourd'hui au palais de justice de Montréal.

***

Une faille dans la sécurité?

Un autre incident récent fait sourciller quant à la surveillance des patients du pavillon Notre-Dame du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Mercredi dernier, un homme de 49 ans hospitalisé en neurologie s'est enfui de l'hôpital pieds nus, en sous-vêtements et t-shirt.

Il a heureusement été retrouvé sain et sauf une douzaine d'heures plus tard.

L'événement est toutefois singulier.

«Il y a pourtant plus de gardiens de sécurité qu'avant. Mais pour avoir déjà eu des patients prédisposés à la fugue, ça peut arriver. C'est un peu comme un enfant. Tu le perds de vue deux secondes, et tu ne le trouves plus. Mais si un gardien voit un gars sortir en sous-vêtements, sans bas, il va au moins lui parler, lui demander où il s'en va», explique Guy Brochu, président du syndicat des professionnels en soins de santé du CHUM.

La direction du CHUM nie quant à elle toute faille dans la sécurité.

«Aussitôt que le personnel a remarqué son absence, des procédures ont été entreprises. On a vérifié sa chambre, son unité, les zones communes, puis on a signalé la disparition à la police. On ne peut retenir tout le monde. Et il s'agit que le gardien soit en train de faire une ronde au moment où le patient sort pour qu'il ne le voie pas», affirme Sylvie Robitaille, porte-parole du CHUM.