Un an presque jour pour jour après la mort d'une femme dans un séminaire d'épanouissement personnel, la responsable de l'activité de la formation et les deux personnes qui l'assistaient ont été accusées de négligence criminelle causant la mort, hier après-midi, au palais de justice de Drummondville.

Les bras croisés, le regard fixé sur le box des accusés, le mari de la victime, Patrick Naud, est resté impassible pendant la comparution. «Je suis content que ça continue, qu'il y ait une suite, et que justice sera probablement faite», a-t-il laissé tomber à sa sortie de la salle d'audience.

La responsable de la formation, Gabrielle Fréchette, alias Séréna, a répondu avec aplomb aux questions de la juge, qui a présidé l'audience par conférence téléphonique. La femme de 53 ans a envoyé un baiser en direction de ses trois enfants. L'une de ses filles pleurait en silence.

Gabrielle Fréchette et ses deux assistants, Ginette Duclos, 61 ans, et Gérald Fontaine, 39 ans, font face à un chef d'accusation de négligence criminelle causant la mort et à un chef de négligence criminelle causant des lésions corporelles à une autre participante. Ils ont été libérés au terme de leur comparution. La Couronne ne s'y est pas opposée.

Hutte de sudation

Le drame est survenu le 29 juillet 2011 à la ferme Reine de la paix, à Durham-Sud, dans le Centre-du-Québec. Chantal Lavigne et huit autres participants prenaient part à une «hutte de sudation» dans le cadre d'un séminaire d'épanouissement personnel. Leurs corps étaient recouverts de boue, d'un drap et d'une pellicule de plastique. Gabrielle Fréchette animait la séance, tandis que les deux autres coaccusés l'assistaient, en encourageant notamment les participants à hyperventiler.

Après avoir passé plusieurs heures enveloppée ainsi - entre cinq et neuf heures, selon les différents témoignages -, Chantal Lavigne a été transportée en ambulance à l'hôpital, où elle est morte dans les heures qui ont suivi. La mère de famille de 35 ans, qui ne présentait aucun problème de santé, est morte «cuite», selon les mots du coroner Gilles Sainton.

Il aura fallu attendre un an avant que des accusations ne soient portées. Le dossier était «ardu», a convenu la sergente Martine Asselin, porte-parole de la Sûreté du Québec.

L'avocat des accusés, Me Denis Lavigne, a fait l'hypothèse que la Couronne était à la recherche de preuves suffisantes. «Le fardeau de la preuve est élevé dans les cas de négligence criminelle», a-t-il dit.

Pour que les coaccusés soient reconnus coupables, le ministère public devra réussir à prouver qu'ils tenaient une activité «objectivement dangereuse sans prendre toutes les précautions nécessaires». «C'est plus difficile de prouver que l'activité est objectivement dangereuse étant donné qu'il n'y a pas de cas de mort dans ces activités-là», a souligné Me Lavigne.

Les coaccusés seront de retour en cour le 5 octobre pour la communication de la preuve. D'ici là, ils devront respecter certaines conditions, dont celle de ne pas tenir d'activités de sudation ou toute autre activité de recouvrement.

En janvier, Gabrielle Fréchette avait affirmé dans une entrevue à la radio qu'elle avait cessé d'offrir des séminaires de sudation après le drame. «J'ai énormément de peine, ça a bousculé ma vie comme jamais, avait-elle dit à l'animateur Paul Arcand. C'est sûr que je me suis remise en question du tout au tout.»

Son avocat assure qu'elle a agi de «bonne foi». «Mme Fréchette connaît ce domaine-là depuis au moins 20 ans, a dit Me Lavigne. Elle a étudié dans plusieurs pays, elle a rencontré des chamans, elle a elle-même participé à des sudations plus longues et plus importantes que celle à laquelle on a affaire actuellement.»

Patrick Naud, qui doit maintenant élever seul son garçon de 3 ans et sa fillette de 7 ans, a lancé un avertissement avant de quitter le palais de justice. «Faites attention si des membres de votre famille ou des amis veulent embarquer dans des affaires comme ça, a-t-il dit. C'est assez particulier et on voit bien que ça peut être dangereux.»

Le père de la victime, Raymond Lavigne, n'a guère plus d'estime pour le genre d'activités auxquelles sa fille s'adonnait. «Ce n'est pas normal qu'une personne en parfaite santé finisse ses jours comme ça avec des affaires stupides comme ça», a dit l'homme, joint à son domicile de Sainte-Sophie-de-Lévrard, près de Trois-Rivières.

Chantal Lavigne