La procureure de la Couronne Claudia Carbonneau, connue pour avoir mené le procès du cardiologue Guy Turcotte, a été arrêtée pour violence sur son ex-conjoint policier cette semaine. Son cas met en lumière les affres de la dépression, mais aussi la délicatesse des causes criminelles impliquant des intervenants du système judiciaire.

Voies de fait, voies de fait armées, méfait, conduite dangereuse: c'est une sérieuse série d'accusations pour laquelle Me Claudia Carbonneau a comparu cette semaine au palais de justice de Saint-Jérôme. Sa famille, qui l'accompagnait dans son combat contre la dépression, est furieuse qu'on l'ait gardée détenue plusieurs jours comme une dangereuse criminelle.

«Le mois passé, elle était à l'hôpital pour se faire soigner. Elle a perdu 35 livres. C'est de l'aide qu'elle a besoin», s'offusque sa soeur, Carolyn Carbonneau.

Chez les juristes, plusieurs étaient aussi stupéfaits.

«C'est une procureure de la Couronne pour qui tout le monde a le plus grand respect», a martelé hier son avocat, Me Jean-Daniel Debkoski, après avoir fait libérer sa cliente en attente de son procès.

Au palais de justice, plusieurs voyaient Claudia Carbonneau comme une superwoman.

L'avocate est atteinte de sclérose en plaques depuis plus de 11 ans. Dans une lettre publiée dans La Presse l'an dernier, elle a expliqué sa réaction après la réception du diagnostic.

«J'ai dû remettre en question tous mes rêves, tous mes projets: [...] pourrai-je marcher demain? Voir clairement? Pourrai-je m'occuper de mes enfants? Continuer de plaider?», demandait-elle.

Séparée d'un conjoint qui cumulait les problèmes d'argent, mère seule de trois enfants, elle est devenue une procureure reconnue malgré sa maladie. Elle a plaidé dans plusieurs dossiers de sévices sur des enfants.

«Le grand amour»

Il y a quelques années, elle s'était remariée à Jacques Caza, un enquêteur qui est aujourd'hui haut placé à la Régie intermunicipalede police Thérèse-de-Blainville. C'était «le grand amour», selon plusieurs observateurs. Le couple a emménagé à Sainte-Thérèse, sur le territoire de la Régie.

De l'avis de plusieurs, Claudia Carbonneau a mis toutes ses énergies l'an dernier à mener le procès du cardiologue Guy Turcotte, accusé du meurtre de ses enfants. La pression était forte.

Le jury a conclu à la non-responsabilité pour cause de troubles mentaux.

«Elle y croyait vraiment, à cette cause, elle a eu un deuil à faire», raconte la soeur de Me Carbonneau.

L'automne dernier, son médecin l'a placée en arrêt de travail pour motifs de santé.

Peu après, en janvier, sa relation a commencé à battre de l'aile. En mai, elle a raconté à plusieurs personnes que son mari allait la quitter, qu'il avait une nouvelle amoureuse. Elle a passé du temps à l'hôpital pour soigner ses symptômes dépressifs et a vécu temporairement chez une amie.

Dimanche dernier, elle serait retournée à la maison, où elle a trouvé son ex et la nouvelle compagne de ce dernier.

Une dispute a éclaté. Jacques Caza a appelé à l'aide. Ses collègues policiers sont arrivés. Ils ont arrêté la procureure. Selon le récit des enquêteurs, Claudia Carbonneau avait un comportement dangereux, hors de contrôle: elle aurait poursuivi son ex-conjoint en voiture, l'aurait menacé ou attaqué avec un bâton, aurait endommagé gravement son véhicule.

L'officier en a profité pour relater deux autres événements de voies de fait dont il aurait été victime, en janvier et en mai. Il n'a pas rappelé La Presse hier.

Délicat

Lors de sa comparution lundi, la procureure a obtenu la permission de rester hors de la salle d'audience, en raison de son état. Même chose hier.

Son emploi et celui de l'ex-conjoint rendent l'affaire délicate. Dès l'arrestation, les policiers municipaux ont confié l'enquête à la Sûreté du Québec (SQ). La SQ, dont plusieurs enquêteurs ont déjà collaboré avec Me Carbonneau, a fait venir des policiers de la Mauricie pour s'en occuper.

Un avocat de la défense a d'abord été nommé procureur ad hoc pour la poursuite, afin d'éviter toute apparence de conflit d'intérêts. Puis, c'est un procureur de la Couronne fédérale qui a hérité du dossier. Un juge de l'extérieur est venu siéger pour l'occasion à Saint-Jérôme.

Pour être libérée, Me Carbonneau a dû s'engager à aller habiter dans un centre d'aide. Son ex-conjoint garde la maison. Son fils de 15 ans et ses jumelles de 19 ans se retrouvent sans ressources. Deux des enfants squattent chez des membres de sa famille.

Ses proches se désespèrent des conséquences pour sa carrière. «Elle avait besoin d'une ambulance, pas de se faire arrêter par la police. Pourquoi la mettre dans le trouble comme ça?», déplore Carolyn Carbonneau.

Le dossier sera de retour devant la cour le 12 septembre.