«Ça va? Et bonjour à tous mes fans!»

Ces paroles, tirées d'une nouvelle vidéo de Luka Rocco Magnotta diffusée sur YouTube, ont probablement été enregistrées pendant que le suspect était en fuite, croit la police. Une façon de narguer la population dégoûtée, ainsi que le bataillon d'enquêteurs qui était sur ses talons, à moins de 12 heures derrière lui.

Trois nouvelles vidéos de Magnotta ont été mises en ligne entre les 3 et 4 juin. C'était quelques heures avant son arrestation à Berlin, et plusieurs jours après la découverte du court métrage représentant le meurtre, l'outrage au cadavre et même le cannibalisme dont il est soupçonné.

«On pense que c'est récent. Il faut vérifier les vêtements, les lieux physiques, la police française va nous donner un coup de main. Ce serait très surprenant que ça ait été filmé avant le meurtre», a confirmé à La Presse le commandant Denis Mainville, de la division des crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

La séquence où Magnotta salue ses admirateurs est filmée pendant que joue en arrière-plan la pièce La Isla Bonita de Madonna.

Un autre extrait le montre fixant la caméra, au son de la chanson True Faith du groupe New Order, celle-là même qui sert de trame musicale à la vidéo du démembrement.

La troisième vidéo le montre regardant entre les rideaux d'une fenêtre, comme un homme traqué, pendant que joue la pièce The Great Commandment, du groupe synthpop allemand Camouflage.

Les trois chansons en question ont été lancées en 1987. La police n'a pas précisé si cette année a une signification particulière dans la vie du suspect.

Les enquêteurs tentent par ailleurs de déterminer si Magnotta a commenté anonymement en ligne la vidéo du crime dont il est accusé.

«C'est possible. Ce sera à vérifier en interrogatoire, mais j'ai effectivement vu des commentaires [qui pourraient sembler de lui]», affirme M. Mainville.

Quant au site web albertain qui héberge la vidéo du crime, le SPVM dit étudier ses options. «Nous sommes en lien avec la police d'Edmonton et il n'est pas impossible qu'il y ait des accusations à ce sujet», dit M. Mainville.

Même après 29 ans de carrière, l'officier dit avoir mis plusieurs tentatives avant d'être capable de regarder la vidéo en entier. «Je n'encourage personne à aller voir ça», dit-il.

Le commandant a félicité mardi tous les policiers qui ont traqué Magnotta, dont ceux de la division des crimes majeurs, «qui ont passé de 18 à 20 heures par jour à s'acharner sur ce dossier».

Il souligne la tâche difficile des agents qui ont fouillé l'équivalent d'un camion 10 roues rempli d'ordures, et qui ont retrouvé plusieurs morceaux humains ainsi que l'arme du crime. Sans parler de l'inspection de l'appartement du suspect, où le lit, les tables, le réfrigérateur et le congélateur étaient couverts de sang.

La collaboration de tous les services de police impliqués a permis de suivre Magnotta à la trace avec seulement une douzaine d'heures de retard, jusqu'à ce qu'il soit rattrapé grâce à un citoyen qui l'a reconnu en Allemagne. La tâche n'était pas facile, selon le commandant.

«Contrairement à ceux qui disaient que le fugitif était naïf et amateur, je vous dirais qu'il était assez prudent. Heureusement, il a fait quelques erreurs», dit-il.

Le SPVM a ajouté que son travail n'est pas terminé dans cette affaire. «Il nous manque toujours trois parties du corps: le pied droit, la main droite et la tête», a souligné M. Mainville peu avant midi. Quelques heures plus tard, des restes humains ont été découverts à Vancouver.

Le SPVM a rendu publique mardi une autre photo de Luka Rocco Magnotta.